Les juges de la Cour suprême du Canada ont accepté de se pencher sur la validité dun article de loi autorisant le recours au châtiment corporel des enfants.
Larticle 43 du Code criminel canadien permet à un enseignant, à un parent ou à un travailleur en milieu de garde de corriger un enfant à la condition que la force utilisée ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances. Vieille de 110 ans, «cette disposition législative était à lorigine fondée sur le droit de frapper les prisonniers, les employés ainsi que le conjoint (en autant qu'il était, bien sûr [sic], de sexe féminin) et les enfants», nous apprend Alain-Robert Nadeau, avocat et docteur en droit constitutionnel (1).
Cet article de loi est contesté par la Fondation canadienne pour les enfants, les jeunes et le droit (2) au motif quil contreviendrait à la Charte canadienne des droits et libertés. Lorganisme bénéficie de nombreux appuis dont celui de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Pour sa part, le ministère fédéral de la Justice défend le droit de recourir à la correction physique ; il bénéficie de lappui entre autres de la Fédération canadienne des enseignants et de Coalition pour l'autonomie de la famille, un groupe conservateur (3).
Le Canada nest pas le seul pays où la question de la punition corporelle infligée aux enfants est débattue. En Angleterre, par exemple, le sujet soulève de vives controverses, particulièrement depuis le décès dune fillette de huit ans ayant succombé, en février 2000, aux coups portés contre elle par sa grand-tante (4). Mais la principale justification quavancent les tenants de la punition corporelle est celle du maintien de la discipline à l'école . Devant ce phénomène, nous rapporte Yohji Morita (2001), la Cour suprême de Tokyo rendait, en 1981, un jugement autorisant le châtiment corporel dans certaines limites, «afin de permettre aux écoles déduquer les enfants (5).».
Les opposants à la punition corporelle invoquent lobligation pour les États de respecter des droits de lhomme et, en particulier, la Convention relative aux droits de lenfant dont larticle 19.1 qui stipule que «Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.»
En avril 2001, Genève fut lhôte du lancement dune initiative mondiale visant à mettre fin aux punitions corporelles infligées aux enfants (6). Ce regroupement de défenseurs des droits de lenfant bénéficie dun large soutien, notamment de la part de lUNICEF et du Haut commissaire pour les droits de lhomme de lONU. Par ailleurs, des membres de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope ont récemment déposé une proposition de recommandation visant à interdire, au niveau européen, le châtiment corporel des enfants (7).
Actuellement, 11 États dans le monde possèdent des législations interdisant toutes formes de châtiments corporels aux enfants au sein de la famille, à lécole ou dans les centres de détention (8).
Illustration : Dessin de Garnotte, tiré du site profdedroit
http://profdedroit.unblog.fr/la-fessee-est-elle-un-attribut-de-lautorite-parentale/
Notes de bas de page
(1) http://www.barreau.qc.ca/journal/frameset.asp?article=/journal/vol34/no19/
justiceetsociete.html
(2) http://www.jfcy.org/corporalp/corporalp.html
(3) http://www.ledevoir.com/2002/10/18/11490.html
(4) http://news.independent.co.uk/uk/politics/story.jsp?story=418516
(5) Violence à lécole : lapproche japonaise. In : «Violence à lÉcole et politiques publiques» ( sous la dir. de : Éric. Debarbieux et Catherine Blaya). Paris : ESF, 2001, 65-93.
(6) http://www.endcorporalpunishment.org
(7) http://assembly.coe.int/Documents/WorkingDocs/doc03/FDOC9716.htm
(8) La Suède fut le premier État à agir en ce sens, en 1979. Vinrent ensuite : la Finlande (1983), la Norvège (1987), lAutriche (1989), Chypre (1994), le Danemark (1997), la Latvie (ou : Lettonie,1998), la Croatie (1999), lAllemagne et Israël (2000) et lIslande, en 2003.