Depuis quelques années déjà, une lente mais efficace offensive politico-médiatique de la part des élites conservatrices est en voie de modifier le paysage éducatif mondial. Les changements s’observent déjà dans les faits comme dans les mentalités. Retenons trois de ces manifestations : l’éloge du tout-à-l’autorité, l’inféodation de l’éducation au diktat de la performance et le déni de l’accès gratuit à l’enseignement supérieur.
L’ « interdit d’interdire » a fait long feu, proclame-t-on. Au grand soulagement des aficionados de la sujétion qui plébiscitent sans complexe le retour en force d’une autorité dévoyée par le poids de l’arbitraire. Une pensée rétrograde plane sur les institutions démocratiques, pousse les gens à la réaction primaire et sonne le rappel à l’ordre, en particulier en éducation où il serait apparemment temps de mettre un terme aux dérives de la pédagogie, de replacer (enfin) l’adulte au centre de l’acte éducatif, de porter secours aux croyances mises à mal par la pensée scientifique et de rêver d’une communion solennelle des éducateurs à l’autel de la discipline et de l’obéissance.
Désormais, il s’avère impossible d’évaluer les forces et les faiblesses des systèmes éducatifs nationaux sans que ceux-ci soient mesurés à l’aune de tests internationaux dont l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) s’est fait le chantre incontesté depuis plusieurs années. Il suffirait ainsi de quelques épreuves relevant d’un champ réduit de disciplines scolaires administrées à des élèves âgés de 15 ans uniquement pour disposer sans autre procès de la qualité de la formation acquise. À la clé de ces exercices aventureusement réducteurs figurent ces fameux palmarès des brillants et des cancres passant du coup sous silence les contextes sociaux, culturels et économiques dans lesquels se déroulent les apprentissages.
Le désengagement de l’État sur fond de crises économiques répétées a exacerbé les tensions au sein de l’enseignement supérieur en ce qui concerne particulièrement la partie des coûts que doivent en assumer les étudiants. Au Nord comme au Sud, sous des gouvernements de gauche comme de droite, les autorités n’ont eut cesse à ce jour d’alourdir le fardeau financier des études au motif que le retour sur bénéfices au terme des études serait largement à l’avantage des intéressés. Cette logique comptable passe sous silence le grand nombre de candidats à l’enseignement supérieur qui n’en franchiront pas les portes faute de moyens de même que le soi disant engagement des États parties à respecter le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont l’alinea 2c de l’article 13 stipule que « L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité ; ».
Une certaine « doxa » ultralibérale et réactionnainre en éducation se nourrit d’exhortations en tous points favorables au marché libre, à l’exaltation des croyances et au retour à l’ordre, qui se traduit par la volonté d’imposer un modèle de performance arbitraire aux finalités de l’éducation. À vouloir agir ainsi, les pouvoirs riches et puissants ne seront pas surpris de voir de plus en plus la rue être le témoin d’affrontements.
Illustration : Tiré de l'album Un demi-siècle de droits de l'homme
: http://www.portail-eip.org/Fr/Publications/Albums/undemisiecle/undemisiecle.html