Dans une interview récente accordée au quotidien Le Monde, le philosophe Pierre Hassner se livre à une analyse géopolitique des tensions et des conflits dans le monde face auxquels les puissances occidentales se trouvent particulièrement interpellées. Selon P. Hassner, ce qui se révèle le plus inquiétant à l’heure actuelle, c’est « la multiplication de guerres civiles permanentes, intermittentes, ou virtuelles, qu'elles soient religieuses, ethniques, politiques ou économiques, qui menacent de se confondre par extension ou par contagion, et d'entraîner des régions entières, comme l'Asie de l'Ouest, le Moyen-Orient, la Corne de l'Afrique ou les Grands Lacs. ».
Avec un optimisme modéré, P. Hassner voit quand même dans le contexte trouble d’aujourd’hui quelques avenues possibles de détente et de paix à l’horizon. À cet égard, il soutient que « seules la réciprocité, même imparfaite et l'interpénétration, même partielle, entre nations et cultures peuvent avoir une chance d'isoler les adversaires de la tolérance à l'intérieur de chacune d'elles et d'encourager les solidarités transnationales qui, précisément, à l'heure des nationalismes identitaires, sont la meilleure chance de l'humanité. » Nous partageons cette lecture car elle est porteuse de dialogue et de compréhension mutuelle. Il s’agit là d’un chantier auquel la société civile doit être associée et qui devrait également se déployer dans le champ de l’éducation.
Si l’éducation se doit de conduire à la non violence et à la paix, on sait qu’en réalité elle peut facilement viser le contraire. Apprendre à vivre ensemble est une injonction qui est loin de faire l’unanimité partout. La xénophobie n’a pas disparu de l’enceinte scolaire et l’on continue d’enseigner ça et là à l’aide de manuels scolaires d’histoire qui officialisent une vision parfois condamnable du passé, voire du présent. Il faut déplorer que l’honnêteté intellectuelle et le sens de l’éthique ne soient pas toujours au rendez-vous de l’éducation.
Il faut cependant se réjouir du fait que le nouveau Conseil des droits de l’homme de l’ONU a retenu la promotion de l’éducation aux droits de l’homme au nombre de ses principaux objectifs de travail. Cela devrait inciter ses États membres à aborder en amont des questions que l’on ne soulève parfois qu’en aval, quand il est déjà un peu trop tard. La prévention de l’intolérance comme de la violence par l’éducation est sans aucun doute un des plus grands défis que nous avons à relever. La paix dans le monde en dépend fortement.
Illustration : L'échange et la réciprocité, Solidarité sans frontières
http://eliane-sansfrontieres.blogspot.com/2009/11/scultures-sur-bois_26.html
Référence
Hassner, Pierre. Le siècle de la puissance relative. Le Monde, 2 octobre 2007.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-962033,0.html