Tout récemment, des étudiants allemands ont manifesté contre la décision de la Cour constitutionnelle allemande autorisant les Länders à introduire des frais de scolarité à l'université jusqu'alors gratuite. Plus tôt, en juin dernier, des milliers d’étudiants, enseignants et parents avaient manifesté à Wiesbaden contre le projet du gouvernement régional chrétien-démocrate d’imposer des frais d’études de 500 euros par semestre. Selon le quotidien français Libération, tous les Länder procèdent à des révisions à la hausse des frais de scolarité et à une diminution des budgets accordés aux universités.
En France, le Premier ministre s’est récemment prononcé en faveur d'une augmentation « dans les prochaines années » des frais d'inscription à l'université, qui seraient modulés « en fonction des ressources de l'étudiant et de ses parents ».
En Grèce, le Parlement étudie la possibilité de modifier la Constitution de manière à autoriser la création d’universités privées. À ce jour, l’éducation supérieure est dispensée exclusivement par des institutions ayant le statut de personnes morales de droit public, complètement indépendantes, agissant sous la supervision de l’État, ayant droit aux subventions de l’État et fonctionnant en accord avec les lois régissant ses organismes. La création d’universités privées spécialisées entraînera inévitablement l’imposition de frais de scolarité.
En avril dernier, au Chili, nous apprend le journal Le Monde, des centaines de milliers d'élèves du secondaire sont descendus dans les rues à travers le pays pour dénoncer, entre autres, la mauvaise qualité de l'enseignement et les inégalités entre le privé et le public. Ils réclamaient, poursuit le quotidien, la gratuité des transports pour les écoliers et celle du baccalauréat. Baptisée « la révolte des pingouins », par plaisanterie, cette fronde inédite a surpris tout le monde, à commencer par la présidente socialiste, qui avait pris ses fonctions le 11 mars, souligne-t-on.
Au Québec, le débat sur l’augmentation des frais de scolarité fait rage et constitue un enjeu électoral. La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) maintient sa position contre le dégel des droits de scolarité. Forte de l'appui des trois principales centrales syndicales de la province, la FEUQ s’oppose à la décision du Parti libéral de hausser les frais d’études.
Des prises de position en faveur de l’instauration ou de l’augmentation, selon les cas, des frais de scolarité au niveau universitaire traduisent une tendance lourde. À une époque où l’éducation est de plus en plus considérée par l’idéologie dominante comme un bien de consommation, il n’y a pas à se surprendre outre mesure de la popularité de ce discours au sein des têtes dirigeantes et des aficionados de la commercialisation des services éducatifs. Pourtant, en Finlande, en Suède (frais d’inscription minimes) et en Norvège, l’accès à l’enseignement supérieur public est gratuit et personne ne semble s’en plaindre.
Un rappel : les États semblent avoir oublié l’engagement qu’ils prirent en ratifiant, en 1976, le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui stipule en son article 13 que « L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité ». Cette disposition censée être juridiquement contraignante, mais non respectée de fait par les gouvernements, ne renvoie-t-elle pas, au fond, à un débat récurrent mais toujours aussi essentiel sur les orientations politiques et les choix de société qui en découlent ?
Illustration : Dessin tiré du site La bourse ou la vie
http://radicarl.net/presse/la-bourse-ou-la-vie
Références
Les étudiants allemands manifestent contre l'application de frais de scolarité
Allemagne : des dizaines de milliers d’étudiants manifestent contre les études payantes
http://www.wsws.org/francais/News/2006/juil06/110706_
allemagne.shtml
Les étudiants allemands contestent aussi
http://www.fef.be/page1283.html
Lors de l'inauguration de Paris VII-Diderot, Dominique de Villepin s'est prononcé pour une augmentation modulable dans les prochaines années.
Grèce : les étudiants se mobilisent contre les facs privées
http://www.newropeans-magazine.org/index.php?option=com_content&task=view&id=5149
&Itemid=84
Chili : Michelle Bachelet et la révolte des « pingouins »
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-839908,0.html
Frais de scolarité - Opposition concertée des syndicats et des étudiants à un éventuel dégel