Cest un 20 novembre quest célébrée annuellement la Journée internationale des droits de lenfant. Cette à cette date que lAssemblée générale des Nations Unies adopta successivement la Déclaration des droits de lenfant, en 1959, et la Convention relative aux droits de lenfant, en 1989.
Mais cest au sein de la défunte Société des Nations (SDN) qui fut adoptée, en 1924, la première Déclaration des droits de lenfant, communément appelée Déclaration de Genève. Ce texte, dabord proclamé un an plus tôt par lUnion internationale de secours aux enfants, était essentiellement centré sur la protection de lenfance.
Un peu plus de dix ans sécoulèrent entre le premier dépôt, par la Pologne, du projet de Convention, en 1978, et son adoption le 20 novembre 1989. Le geste polonais témoignait de la reconnaissance de laction de léducateur et pédiatre que fut Janusz Korczak qui, dès les années 1920, affirma les droits spécifiques des enfants et réclama en leurs noms leur reconnaissance auprès de la SDN.
Quon se le rappelle, ladoption de cette Convention résulta en quelque sorte dun jeu déquilibre entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels reconnus aux enfants. les premiers sinscrivent dans lordre du droit dexpression et de participation des enfants et les seconds participent davantage dune démarche axée sur la protection des enfants et la prévention des dangers quils peuvent encourir, particulièrement en tant que catégorie vulnérable, pour employer le vocable onusien.
Or, les droits civils et politiques nopèrent pas dans le même registre que les droits économiques, sociaux et culturels, même si lon accorde à dire que les droits sont indissociables. La participation est impensable en dehors du processus éducatif qui laccompagne, affirme Philippe Meirieu (1). Ce qui nest évidemment pas le cas, précise-t-il, pour la protection et la prévention. Celles-ci sappliquent en quelque sorte " de lextérieur " aux enfants : ils sont " objets " de protection et de prévention, ils sont " sujets " en matière de participation, de préciser Meirieu tout soulignant que cest bien ce troisième volet qui fait question. Cest par ce biais, estime-t-il, que la Convention conduit au coeur de la question éducative, soit larticulation difficile entre le nécessaire exercice de lautorité de ladulte et la prise en compte indispensable de la liberté de lenfant. Si lautorité permet lacquisition du savoir, son but est autant de favoriser lautonomie du sujet, écrivent pour leur part Béranger et Pain (2). Autrement dit, et pour reprendre les mots de Comenius, l'autorité de l'éducateur est le secours qu'il faut à l'enfant pour devenir ce qu'il doit être, ce que le pédagogue distinguait nettement de la sévérité des maîtres qui " tend à rendre serviles les élèves ".
Ces propos nous invitent ainsi à évaluer la réalisation du droit à léducation non seulement en termes daccès à lenseignement, mais également à laune de la qualité de la formation offerte aux enfants.
Célestin Freinet nhésitait pas à qualifier la formation donnée aux enfants de son époque de " pédagogie de lescalier ", cest-à-dire celle qui consiste à faire gravir aux élèves les marches une par une la tête baissée. À ce que lon sache, nombreux sont encore aujourdhui les enfants soumis à des pratiques pédagogiques autoritaires, à des évaluations bâclées et aux châtiments corporels. Persistants aussi sont des contenus denseignement discriminatoires, émaillés de stéréotypes sexistes et dexaltations nationalistes. À ces problèmes bien réels, sajoute linégale formation des quelque 60 millions denseignants dans le monde et de ses effets sur la qualité de lenseignement offert (3).
La qualité sévalue également à la lumière des compétences acquises. Même dans les pays développés où le taux de scolarisation pour léducation primaire et secondaire atteint presque les cent p. cent, 15 à 20 p. cent des élèves de plusieurs de ces pays quittent lécole sans avoir les compétences de base leur permettant de se trouver un emploi, sans compter ceux qui abandonnent lécole avant la fin de leur scolarité obligatoire. Comme lécrivait lOrganisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) (4) , ces personnes deviennent de bons candidats à lexclusion sociale.
Cest dans la perspective de la qualité du contenu de léducation quil convient dinscrire lobligation scolaire, là où elle est effective, et la volonté dassurer léducation pour tous dans le monde à lhorizon de 2015.
Illustration : Dessin de Zarz, tiré du site Les crobards à Zarz
http://zarz.over-blog.com/article-francas-47270638.html
Notes de bas de page
(1) In : " Le pédagogue et les droits de l'enfant : Histoire d'un malentendu ? ", 2001. En ligne : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/life/textes/Meirieu_A2001_03.html
(2) Béranger, Patrick et Philippe Pain (1998). " Lautorité et lécole : fin de système ". Ville École Intégration, n° 112. Paris : CNDP. En ligne : http://www.cndp.fr/revueVei/beranger.htm
(3) Une étude pilote UNICEF-UNESCO de 1994 sur la situation des écoles primaires de quatorze pays les moins avancés montre entre autres, que 60 p. cent des enseignants nont suivi quun enseignement primaire et que 20 à 30 p. cent dentre eux disent navoir reçu aucune formation professionnelle.In : Torres, Rosa Maris (1996)., "Sans réforme de la formation des maîtres, point de réforme de lenseignement". Perspectives, vol. XXVI, n°3, p. 494. Pour leur part, tous les pays de lOCDE, exigent la possession dun diplôme denseignement tertiaire pour accéder à la profession enseignante. Néanmoins, la moitié dentre eux seulement sont effectivement dotés d'un corps enseignant répondant à cette exigence. In : "Regards sur léducation", 2000. [En ligne]. Accès : http://www.oecd.org/media/parutions/pb00-08f.htm
(4) LObservateur de lOCDE, n° 208, octobre-novembre 1997