Il y a actuellement dans le monde entier 115 millions denfants privés daccès à léducation et près de 40 p. cent dentre eux majoritairement des filles - se trouvent en Afrique.
Lors de la Conférence de Jomtien, en 1990, les États sengagèrent à assurer à compter de lan 2000 léducation de base pour tous. Cette promesse, on le sait, ne fut pas tenue de sorte que le Forum de Dakar, tenu 10 ans plus tard en repoussa laccomplissement en 2015.
Une grande partie du monde, signale lUNESCO, connaît une régression en matière de droit de lhomme et de dignité humaine. Cela se traduit, poursuit-elle, par une augmentation de la pauvreté, de la violence, de la guerre, du terrorisme, et de déficit dans le domaine de la tolérance, du dialogue, de la démocratie et de la bonne gouvernance. Les avancées de la science et de la technologie, ajoute-t-elle, ont permis des progrès fantastiques, " mais avec des déséquilibres dramatiques entre les peuples, les pays et les continents. " Tout ceci, résume-t-elle, nous met face à de nouveaux défis liés au droit à léducation, et rend les défis anciens encore plus difficiles.
Une étude récente publiée par linstitut de recherche sur léducation ( IREDU ), en France, montre que le taux de scolarisation des enfants demeure problématique, plus particulièrement en Afrique subsaharienne où le portait densemble paraît être resté le même quen 1990. À travers cette étude, le but est de sinterroger sur le réalisme de lobjectif suivant lequel léducation pour tous peut être atteinte au vu des récentes initiatives soutenues par la Banque mondiale.
Un premier constat de louvrage fait apparaître que les politiques dajustement structurel nont pas conduit au cercle vertueux attendu, laissant plutôt apparaître un " cercle vicieux ". La promesse de Jomtien na pas été tenue et même, le nombre denfants non scolarisés a eu tendance à augmenter durant la décennie quatre-vingt-dix.
Un deuxième constat rappelle que " lexistence dune grande hétérogénéité des systèmes éducatifs africains laissait supposer quappliquer les mêmes recettes pour cette hétérogénéité pouvait conduire à bousculer les politiques éducatives, mettant à mal danciennes politiques pouvant être tout aussi efficientes que celles prônées par la Banque. "
Devant ce quil appelle " la normativité réductrice et trop stricte de la Banque mondiale en matière de changements dans le domaine éducatif ", lauteur de létude, Nadir Altinok, souligne un paradoxe fort : tandis que l'Afrique subsaharienne est une région très hétérogène, pourquoi imposer à tous ces pays des changements homogènes, sans prise en compte de leurs politiques passées et des différences qui caractérisent leurs structures institutionnelles ? se demande-t-il.
Un autre paradoxe se traduit par lopposition entre l'objectif d'une banque de rentabiliser ses projets et celui d'une institution de lutter contre la pauvreté. En effet, écrit-on, les économistes de la Banque mondiale sont contraints d'obtenir des "résultats" lorsque l'institution engage des fonds. " Ceci explique notamment pourquoi la Banque a toujours été sceptique lorsqu'il s'agissait de financer le salaire des enseignants. En effet, construire une école était plus "rentable" que payer des fonctionnaires. Or, il n'est pas surprenant de constater la faiblesse de la qualité de l'école en Afrique, surtout lorsqu'on observe l'érosion constante du salaire des enseignants. Cette logique de "résultat", propre à toute banque, ne permettra jamais de sortir du dilemme court terme/long terme : comme l'opposition classique entre les actionnaires et les dirigeants d'une entreprise, les uns préfèrent le réussite sur le long terme. "
Dautre part, fait-on observer, la plupart des pays africains, les dirigeants ou plus souvent, le dirigeant, n'est (ne sont) jamais vraiment pressé(s) de voir l'objectif d'éducation pour tous atteint. " Nous touchons là, indique-t-on, l'épineux problème de la corruption et du manque de démocratie politique. Les pays du Nord ne se sont jamais réellement souciés de savoir si un gouvernement africain était corrompu ou non, sauf lorsque les médias du Nord s'étaient emparés d'affaires plutôt gênantes : mais, ne nous leurrons pas, dans ces cas, les "aides bilatérales" ne disparaissaient pas, elles étaient tout simplement déguisées. "
Plutôt pessimiste et doutant de latteinte de lobjectif de léducation pour tous en 2015, létude propose par ailleurs de " remettre au goût du jour la planification de l'éducation, mais cette fois-ci sur le long terme ", afin d'observer quels sont les évolutions nécessaires et les progrès accomplis. Le principal changement qu'il faudrait faire, pense-t-on, serait de "modifier de fond en comble l'appareillage administratif ". Assurément, mentionne-t-on, des licenciements massifs ou une introduction de plus grandes flexibilités des fonctionnaires ne permettront pas de régler le problème. Il faudrait plutôt, propose-t-on, se demander comment former davantage les personnels et les inciter à produire plus, à remplir leurs fonctions.
Illustration : Dessin, tiré du site Le cercle des droits
http://www1.umn.edu/humanrts/edumat/IHRIP/frenchcircle/M-17.html
Références
" L'Éducation pour tous n'est pas possible, affirme le ministre nigérian "
Pour Fabian Osuji, le ministre de l'Éducation du Nigéria, l'objectif d'éradiquer l'analphabétisme dans le pays en 2015 est " infaisable".
http://allafrica.com/stories/200405130597.html
UNESCO (2004). Réunion internationale dexperts sur la politique éducative et lévaluation de léducation. Paris. 19-23 avril.
Altinok, Nadir. (2004). " La Banque mondiale et léducation en Afrique subsaharienne De grandes paroles pour de petites actions ? ". Les Cahiers de lIREDU. Paris : CNRS.
http://www.u-bourgogne.fr/IREDU/cahier64.pdf
Verspoor, Adriaan, Angel Mattimore and Patrick Watt (2001). " A Chance to Learn : Knowledge and finance for education in sub-Saharan Africa ". Washington D.C : Banque mondiale.
http://www.unicef.org/french/sowc04/sowc04_regional_issues.html
Voir également les numéros 1 et 2 de Vues dAfrique
http://www.cifedhop.org/publications/perspectives/index.htmindex.html