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L'échec scolaire des garçons inquiète ;
l'égalité des sexes aussi ?
Lettre n°10, novembre 2003

 

Dans nombre de pays industrialisés, l’échec scolaire des garçons inquiète. Et il s’en faudrait de peu chez certains pour que la réussite scolaire des filles soit perçue comme la grande responsable de cette tragédie annoncée. Les amateurs de raccourcis se sentent sans doute bien servis en appelant à la mobilisation pour sauver les garçons du péril de l’échec.

 

Le profil entier de la victime a changé de sexe, écrit-on (1). L’univers masculin serait en effet devenu otage de valeurs féminines qui diluent la virilité dans la coupe de l’égalité des sexes. Pour contrer l’effet pervers d’un tel breuvage, d’aucuns prétendent qu’il faudrait mettre l’école un peu plus au diapason des garçons, leur permettre de s’affirmer quitte à créer des «gars show», comme l’a d’ailleurs fait récemment une administration scolaire québécoise. Celle-ci consacra en effet une journée d’activités réservée aux garçons et ne sembla pas avoir vu d’inconvénients à envisager la présence de l’armée canadienne qui devait  traîner dans la cour d'école un tank et un hélicoptère de la classe Apache, question peut-être de montrer aux jeunes mâles ce qu’est un vrai métier d’homme (2).

 

À en croire certains, l’école n’offrirait pas de défis à la hauteur de la «nature compétitive» des garçons. Si, en revanche, les filles parviennent à réussir dans un univers scolaire soi-disant édulcoré, c’est qu’elle consentiraient plus facilement que leurs congénères du sexe opposé à se soumettre à l’autorité. Autrement dit, la réussite des filles ne serait somme toute que le résultat d’une acceptation sans condition des règles du jeu de l’apprentissage scolaire. À l’inverse, l’identité des garçons s’affirmerait à l’aune d’une virilité exacerbée sur fond de contestation de l’autorité. «Une construction dangereuse à terme pour la mixité, scolaire ou sociale, et les acquis de dizaines d’années de féminisme», soutient le Monde de l’éducation (3)

 

Convenons, certes, de l’évidence de difficultés scolaires éprouvées par les garçons.  Cela dit, ce n’est pas le fait qui est en cause, loin de là, mais les dérives auxquelles peuvent prêter son interprétation tout comme certains moyens proposés pour y remédier. Ainsi en est-il des arguments de type essentialistes qui soutiennent que garçons et filles méritent un traitement différencié au motif que le testostérone des premiers susciterait plus de turbulence que les œstrogènes des secondes, que la différence de fonctionnement du cerveau chez l’un par rapport à l’autre commanderait une didactique adaptée à ces particularités. Par ailleurs, à  la lumière d’études, l’absence souvent observée du soutien du père au travail scolaire de sa progéniture masculine serait à l’origine de nombre de difficultés scolaires des garçons sans compter que  bon nombre de «modèles» populaires de réussite qui leur sont proposés se nourrissent d’incivilités, de machisme et de violence gratuite par vidéos, spectacles et cinémas interposés.

 

Ce débat sur les «performances» scolaires comparées des garçons et des filles a très largement cours à ce jour au sein des sociétés post-industrialisés surtout, là où le droit à l’éducation à l’enseignement primaire et secondaire est généralisé. Mais il convient de rappeler qu’à l’échelle planétaire près de 60 pour cent des 123 millions d’enfants n’ayant pas accès l’éducation sont des filles. Les mariages précoces, l’obligation de travail domestique et les actes de violence perpétrés à leur encontre figurent au nombre des principales causes explicatives de cette situation (4). D’autre part, soulignons que la parité en matière d’accès à l’éducation ne dispose cependant pas de la question de l’égalité de traitement une fois les filles rendues sur le marché du travail car «Les femmes doivent atteindre de plus hauts niveaux de performance afin de réussir dans la compétition pour les emplois, pour l’égalité des rémunérations et pour les postes décisionnels», indique un rapport de l’UNESCO (5).

 

Le chemin est long pour être à la hauteur des ambitions de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

 

Illustration : Extrait de la page couverture de l'ouvrage "Sauvons les garçons !" de Jean-Louis Auduc, Éditions Descartes & Cie

http://www.editions-descartes.fr/spip.php?article667

 

Références

 

(1) Bouchard, Pierrette, Boily, I. et Proulx, M.- C. (2003). «La réussite scolaire comparée selon le sexe : catalyseur des discours masculinistes». Condition féminine Canada. http://www.cfc-swc.gc.ca/pubs/0662882857/200303_0662882857_11_f.html

 

(2) «Éducation - Pour gars seulement». Le Devoir, 2003. «L'idée d'organiser une telle activité - qui pourrait servir éventuellement de projet pilote - est une suite logique aux statistiques démontrant que les garçons sont beaucoup plus susceptibles de doubler une année scolaire, de ne pas terminer leur secondaire ou d'aboutir dans une classe de troubles de comportement, d'adaptation scolaire ou de cheminement particulier», écrivait, rapporte Le Devoir, le ministre de l’Éducation.

http://www.ledevoir.com/2003/09/08/35631.html

Voir aussi : «Les difficultés scolaires des garçons - Débat sur l'école ou charge contre le féminisme ?» http://www.ledevoir.com/2003/11/03/39689.html

 

(3) Le Monde de l’éducation (2003). N° 310

 

(4) (5) UNESCO (2003). «Les filles se heurtent encore à de fortes discriminations dans l'accès à l'école».

http://portal.unesco.org/fr/ev.php@URL_ID=17039&URL_DO=DO_TOPIC&URL_
SECTION=201.html

 

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