La notion de bien commun s’étiole au point de n’être devenue qu’un simple ersatz d’une pensée philosophique et politique jadis inspirée.
L’on a pu pendant un certain temps – relativement court dans l’histoire - soutenir non sans raison que le fondement contemporain du bien commun reposait sur cette injonction de la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamant que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en droit et en dignité ». L’esprit et la lettre de cette aspiration humaniste paraissent aujourd’hui avoir été étouffés dans le silence et la duplicité au nom d’un certain progrès dont l’économie, justement, ne pouvait souffrir l’accomplissement d’un telle ambition.
C’est que le bien commun appelle au plus profond respect des individus et des peuples. Il entre en conflit avec toute idée de progrès dont le moteur s’alimente de concurrence exacerbée, de course effrénée au profit et d’exclusion sociale.
La défense et la promotion de l’École publique est sans doute l’une des représentations les plus abouties du bien commun. C’est en effet cette École qui porte les aspirations de l’égalité d’accès aux savoirs et de leur partage. Or, partout dans le monde, à des degrés variés quoique tous avérés, l’École publique est en voie d’être détournée de ses fondements mêmes. Comment ?
En relativement peu de temps - un quart de siècle - le néolibéralisme a progressivement occupé la sphère éducative pratiquement sans coup férir. Nombre de gouvernements ont confié la gestion de l’école à des représentants d’entreprise et les établissements d’enseignement publics doivent désormais concurrencer entre elles pour séduire les parents friands de palmarès des meilleurs écoles. Outre cette privatisation rampante de l’éducation publique, l’on notera, dans la mouvance des politiques de l’Organisation mondiale du commerce, le renforcement des pratiques de commercialisation de l’enseignement supérieur notamment dans le domaine de la formation à distance, mais aussi dans l’octroi de brevets à des chercheurs plus intéressés à faire fortune dans l’entreprise privée qu‘à poursuivre une carrière de mentor, participant ce faisant de la privatisation des savoirs.
Que reste-t-il de la culture du bien commun par l’éducation ? Dans le meilleur des cas, un portrait contrasté et incertain pour l’avenir. La crise actuelle du capitalisme débridé sera-t-elle l’occasion de repenser l’éducation publique ? « Le capitalisme néolibéral est devenu une jungle impitoyable […] », écrivait dans un récent ouvrage Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et ancien fonctionnaire de là Banque mondiale. En s’y calquant, l’éducation pourrait ne devenir qu’un secteur d’investissement parmi tant d’autres. Un véritable détournement de bien commun.
Illustration : Campaign for Commercial-Free Education