Evolution des politiques éducatives, des contenus de l'enseignement et de la formation des maîtres en matière d'éducation aux droits de l'homme, à la paix, et à la citoyenneté démocratique
Par Jean Hénaire



Points d'ancrage pour un observatoire

Les réformes de l’éducation: vers un discours dominant ?
Fait devenu courant, du moins dans les pays riches : les États procèdent périodiquement à la réforme de leurs systèmes d'éducation. Maintenant que dans ces pays, l'accès à tous à l'enseignement est assuré et ce, depuis un bon nombre d'années déjà, voilà que les gouvernements concernés se tournent vers un "nouvel idéal", soit celui de la hausse espérée des performances scolaires des élèves par l’amélioration de la qualité et de l'"efficacité" de l'enseignement. Le maître mot étant celui de l’obligation de résultats.

Les réformes de l’éducation se révèlent très ressemblantes dans leur économie générale. Leurs objectifs sont déterminés à l'aide d'une grille de lecture transnationale singulièrement homogène. Des variantes apparaissent, certes, et qui tiennent d'un certain nombre de caractéristiques particulières comme, par exemple, la stabilité politique et la "santé" économique d'un État ou d'un continent par rapport à un autre. Mais ces "singularités" servent surtout à spéculer sur le temps de rattrapage qui sera nécessaire pour tel ou tel État de s'inscrire activement dans un processus de changement dont les orientations sont prescrites à un niveau qui les dépasse. La représentation qu'ont l'OCDE et la Banque mondiale des politiques de l’éducation transcende largement les particularismes nationaux et exprime une tendance vers le discours unique. Celui-ci propose un mode d'emploi d'un tracé d’apprentissage qui semble déterminé à l'avance. À l'instar du "nouvel ordre économique planétarisé", ces nouvelles politiques pourraient bien laisser présager, à leur manière, l'avènement d'un "nouvel ordre éducatif mondial".

Un scénario fortement médiatisé prépare l'opinion publique à accepter l'application des récentes politiques de l’éducation inspirées du pragmatisme ambiant: volonté d’adapter la formation aux impératifs du marché, de consolider les processus de rationalisation des dépenses publiques en éducation, de lutter contre les taux d'échecs scolaires élevés qui font grimper les coûts des mesures de réinsertion, de combler les insuffisances du bassin de compétences scientifiques et technologiques en vue répondre à la demande de l'industrie, de remettre en question les contenus de la formation des maîtres qui seraient plus ou moins bien adaptés aux nouvelles attentes.

Ce même discours propose par ailleurs de concilier la notion de rentabilité annoncée des réformes éducatives et la promotion de valeurs démocratiques: affirmation du principe de l'égalité des chances, respect et promotion de la diversité culturelle, adaptation des cycles de formation aux aptitudes et aux capacités des élèves, valorisation de l'éducation à la citoyenneté et au sens des responsabilités sociales, promotion de la participation des parents et des citoyens aux orientations de l'école, développement de compétences éthiques dans l'enseignement des technologies, pour ne nommer que celles-là.

Ces injonctions annoncent-elles une société plus juste? Ces réformes parviendront-elles à concilier les valeurs démocratiques qu'elles prétendent promouvoir à certains objectifs poursuivis qui riment avec concurrence entre les établissements d’enseignement, "efficacité" des investissements publics et participation accrue du secteur privé dans la formation. La place qu'y tiennent les droits de l'homme constitue-t-elle un enjeu majeur? Quels sont les effets envisageables de ces réformes sur la démocratisation de l'éducation de même que sur la réduction des inégalités socioéconomiques et culturelles ? Les réponses à ces questions ne sont pas simples. Il s'agit d'abord et avant tout d'essayer d'en comprendre le sens, d'en prendre la mesure et d’en analyser les effets observables.

La situation du droit à l’éducation dans le monde

L’application pleine et entière du droit à l’éducation est une condition préalable pour que l’éducation aux droits de l’homme, à la paix et à la citoyenneté démocratique puisse se réaliser. Comme on le sait, cette condition n’est remplie que partiellement puisqu’elle ne s’applique dans les faits qu’à un nombre restreint de pays - encore que là des nuances doivent être apportées. En fait, dans son extension la plus large, ce qui inclut, notamment, la prise en compte des taux d’abandon prématuré des études ainsi que l’impact significatif de la condition sociale sur la réussite scolaire, on peut dire que ce droit n’est à ce jour intégralement appliqué nulle part dans le monde. À partir de ce constat, il est impératif aux yeux de l’EIP d’inscrire les travaux de l’Observatoire dans un registre qui tienne compte de cette problématique.

La notion de droit à l’éducation en tant que droit international des droits de l’homme(1) apparaît pour la première fois, en 1948, à l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre de la même année(2) . Ce droit est réaffirmé, en 1960, dans la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement et, en 1966, dans la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant.

C’est 18 ans après l’adoption de la DUDH que le contenu du droit à l’éducation est exposé en détail dans l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels(3) adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966.
Dix autres années s’écouleront avant que ce Pacte n’entre en vigueur, le 3 janvier 1976, conformément aux dispositions de l'article 27 qui stipule, notamment, que "ledit Pacte entrera en vigueur trois mois après la date du dépôt par cet Etat de son instrument de ratification ou d'adhésion."

L’article 26 de la DUDH et l’article 13 du Pacte affirment le droit à l’éducation pour toute personne indépendamment de son âge. La Convention relative aux droits de l’enfant, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, stipule, en son article 28, que les États parties reconnaissent le droit spécifique de l’enfant à l’éducation(4) .

Porteuse d’espoirs, la Conférence de Jomtien (1990) traduisait la volonté d’une éducation pour tous en l’an 2000. Cet engagement n’a pas été tenu. L’échéance a été reportée à 2015(5) . Pourra-t-on réunir toutes les conditions favorables pour que ce vœu ambitieux se réalise ? Une compréhension de ce droit de l’homme ainsi que des difficultés qui empêchent sa mise en œuvre pleine et entière à l’échelle mondiale peut aider à prendre la mesure des efforts qu’il reste à consentir et des obstacles qui y font échec.

Le droit à l’éducation pour tous demeure encore aujourd’hui davantage une aspiration qu’une réalité. De nombreuses démarches ont cependant été entreprises afin de réduire le fossé entre ceux qui bénéficient de l’éducation et ceux qui en sont privés. Il en a résulté d’heureuses initiatives qui ont permis à des enfants d’avoir accès à l’éducation et les publications de l’Unicef constituent un bon témoignage des efforts consentis à ce jour dans ce domaine. Mais cette note d’espoir ne dispose pas du fait que l’éducation demeure à ce jour une des parentes pauvres des droits de l’homme et cela, en dépit des affirmations répétées selon lesquelles l’éducation est un bien collectif qui doit être accessible à tous(6) .

Plusieurs causes peuvent expliquer la situation problématique du droit à l’éducation dans le monde actuel, qu’il s’agisse des conflits armés, du sous-développement, de la précarité des conditions sanitaires, de la malnutrition, etc. Ces causes sont complexes et interagissent les unes avec les autres dans des contextes sociaux, politiques, économiques au demeurant fort différents à l’échelle planétaire. Ajoutons surtout que ces causes sont non seulement connues, mais que des solutions aux problèmes qu’elles entraînent le sont également. À cet égard, l’Unicef écrivait récemment que des expériences récentes montrent pourtant que des ressources peuvent être dégagées avec célérité si le besoin semble assez urgent. Et ce n’est pas sans ironie que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance rappelait que lorsque l'économie s'est effondrée en Indonésie, en République de Corée et en Thaïlande en 1997-1998, le G7 a réussi en quelques mois seulement à mobiliser plus de 100 milliards de dollars pour porter secours aux "tigres" financiers de l'Asie. Et l’Unicef de conclure : "Imaginez ce que de telles ressources feraient pour l'éducation." (7) Par ailleurs, les travaux amorcés au sein du Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels paraissent témoigner d’efforts prometteurs parce qu’ils indiquent une volonté de dépasser les constats d’impuissance, de documenter davantage la problématique de droit à l’éducation et de raffermir les mécanismes de surveillance de l’application de ce même droit. Cela ne peut que contribuer à son renforcement.

Il faut, d’autre part, inscrire le droit à l’éducation dans un contexte mondial où la privatisation de l’éducation est à l’ordre du jour. Des formations à distance sur l’Internet proposées par des entreprises privées ne sont accessibles qu’à ceux qui ont les moyens de se les offrir. Si, de plus en plus, ces formations accentuaient le décalage entre ceux qui disposent des moyens technologiques et ceux qui en sont privés, nous en arriverions à reproduire autrement les inégalités qui empêchent aujourd’hui l’accès de tous à l’éducation. Dans cette perspective, il n’y a pas lieu d’être très optimiste pour l’instant face à l’impact positif que le marché pourrait avoir sur la réalisation du droit à l’éducation. Le renforcement de la participation démocratique à tous les échelons de la vie en société demeure de loin la meilleure condition pour vaincre l’ignorance que la marchandisation du savoir. Peut-on observer des tendances qui vont dans ce sens ?


La construction de lien social

En toile de fond du mouvement réformiste en éducation se dégage la volonté de faire de l'école un lieu privilégié d’adaptation au changement et de développement humain. La Commission internationale sur l'éducation pour le vingt-et-unième siècle, présidée par Jacques Delors (Unesco, 1996, p. 10), considère ainsi les politiques de l'éducation "comme un processus permanent d'enrichissement des connaissances, des savoir-faire, mais aussi, et peut-être surtout, comme une construction privilégiée de la personne et des relations entre les individus, entre les groupes, entre les nations" . Ce double appel à l'adaptation aux changements à l'échelle mondiale - aux répercussions locales et nationales - et à l'apprentissage du vivre ensemble a pour effet de conférer à l'éducation une fonction sociale accrue qui se reflète, notamment, par l'importance attribuée à la préparation des jeunes à l'exercice de la citoyenneté. Ce choix ne tient pas du hasard. Il tire sa raison d'être d'une analyse de contexte; il a ses fondements et ses problématiques, ses légitimations et ses objectifs.

La citoyenneté démocratique est l’expression d’un lien social auquel les individus participent et consentent librement. L'établissement et le renforcement de ce lien suppose que les membres du corps social consentent à partager un certain nombre de valeurs à être discutées et privilégiées dans un espace public commun. Ces valeurs ne sont pas neutres; elles sont, entre autres, le produit de représentations diverses de la justice et du bien commun, des droits individuels et des responsabilités collectives, du rôle des institutions politiques dans une société démocratique; elles fondent en quelque sorte l'identité collective, l'espace réel et symbolique au sein duquel se construit le rapport à l'Autre; elles témoignent de repères sur lesquels se fondent la recherche du consentement mutuel et la décision partagée de vivre ensemble. Or, dans les sociétés en mutation, c'est précisément la question des repères et des valeurs qui se trouve mise en procès. Ce que l'on appelle la "crise de la modernité" entraîne justement la nécessité de procéder à un examen critique de ces repères dont l'effritement - voire la perte annoncée - soumet la cohésion sociale à de nouvelles quêtes de sens.

En l'espace d'environ un demi-siècle, les sociétés occidentales ont connu des changements considérables qui ont modifié significativement la dynamique de la vie de la cité. Les systèmes de valeurs et les idéologies se sont entrechoqués souvent avec violence; la montée de l'individualisme et l'élargissement de la sphère de la vie privée obligent à repenser le domaine de la vie publique; les politiques économiques et le développement scientifique et technologique ont provoqué des modifications substantielles aux modes d'organisation du travail; les mouvements de population et la poussée de l'immigration vers le Nord ont accentué le caractère mouvant de la notion d'identité culturelle et continuent de susciter parfois de vives réactions; l'expansion, à l'échelle planétaire, des économies transnationales a réduit le pouvoir d'influence des États sur le développement démocratique de leurs propres orientations internes en matière de développement économique et social.

Tous ces changements ont remis en cause l'assurance de pouvoir transmettre, de génération en génération, des repères stables, éprouvés dans leur bien-fondé par la génération antérieure et perçus comme gage de stabilité et de pérennité de la vie sociale dans son ensemble. Aujourd'hui, la famille, la société, l'État et les autres corps institués se voient placés devant l'obligation de gérer le changement dans la relative incertitude du lendemain.

Il n'est pas du tout surprenant que, dans ce contexte, une réflexion sur le présent et le devenir de la citoyenneté ait fait surface. Parce qu'en fait, tous ces changements continuent de s'accompagner d'inquiétudes et de remises en question cependant qu'ils sont susceptibles d'affaiblir le lien social. L'exercice de la citoyenneté démocratique suppose que les citoyens sont égaux en droits, qu'ils ont la capacité et la responsabilité de participer aux décisions dans le champ du politique comme dans celui du social, qu'ils participent à la vitalité des institutions politiques. Or, certaines réalités de notre monde contemporain paraissent faire obstacle à ces conditions d'exercice de la citoyenneté. Le principe de l'égalité en droits se voit confrontée à la réalité de formes bien tangibles d'exclusion que sont, notamment, le chômage et les licenciements, l'intolérance et la xénophobie, l'échec et l'abandon scolaires. La participation du citoyen à la chose publique est souvent entravée par sa propre ignorance de ses droits, voire de son indifférence face à la gestion des affaires de la collectivité. Il en est de même aussi pour le développement et le renforcement des institutions politiques auxquelles certains s'identifient peu ou pas du tout, par indifférence ou par manque de connaissances à leur sujet.

Le monde de l'éducation n'est pas étranger au débat, bien au contraire. La préparation à la vie active se trouve au centre des nouvelles politiques éducatives. Celles-ci témoignent de l'importance de concilier les objectifs et les contenus de l'éducation à la promotion de la citoyenneté. Qu’en est-il dans les faits ?


Expressions et termes structurants

Les références qui ont servi à constituer le présent corpus proviennent principalement des écrits du réseau d’experts de l’EIP et du système des Nations Unies, particulièrement le BIE. Il faut voir cette première ébauche comme une grille de lecture pouvant conduire à l’élaboration d’outils conceptuels nécessaires au développement des travaux que l’EIP est appelée à réaliser. Dans un premier temps, nous nous sommes limités à des termes et à des expressions contenus dans l’Accord cadre, à savoir : Apprendre à vivre ensemble, Curriculum, Éducation à la citoyenneté démocratique, Éducation à la paix, Éducation aux droits de l’homme, Formation des maîtres, Indicateurs, Innovation, Politiques éducatives.

Apprendre à vivre ensemble
Il ne suffit plus d’apprendre à bien lire, bien écrire et bien compter ; l’apprenant doit aussi apprendre à être, à faire, à apprendre, et à vivre ensemble – tels furent les propos tenus il y a déjà près de cinq ans par la Commission Delors sur l’éducation pour le XXIème siècle (8).

Comme l’écrit Françoise Lorcerie, apprendre à "vivre ensemble", c’est apprendre à entrer dans des pratiques de coopération avec autrui, et à développer des sentiments de sympathie à son égard, - tout autrui avec qui nous partageons notre présent. C’est aussi apprendre, mentionne-t-elle, à s’engager à ses côtés. L’école, certes, n’est pas la seule institution à devoir transmettre ces apprentissages. Mais, dans nos sociétés modernes, ajoute l’auteure, il est vrai qu’elle a en propre le mandat de les assurer. Car l’école est tenue pour la matrice de la société civile et politique, elle est chargée d’assurer à la fois la continuité de la société et son renouveau, nous dit Lorcerie(9) . C'est particulièrement "la finalité de socialisation" de l’école et celle de la "préparation à l'exercice des rôles sociaux" qui invitent à une réflexion plus élaborée sur les valeurs à privilégier dans le système scolaire.

Le Bureau international d’éducation, lors de la Conférence marquant sa 44ème Session internationale tenue à Genève, en octobre 1994, a adopté une Déclaration et soumis un projet de Cadre d'action qui concernent le domaine des valeurs. L'article 2.4 de cette Déclaration vise à "accorder une attention particulière à l'amélioration des programmes d'enseignement, des contenus des manuels scolaires et des autres instruments didactiques, y compris les nouvelles technologies, en vue de former un citoyen solidaire et responsable qui présente une ouverture sur les autres cultures, capable d'apprécier la valeur de la liberté, respectueux de la dignité humaine et des différences, et capable de prévenir les conflits et de les résoudre par des voies non violentes". Le paragraphe 8 du Cadre d'action souligne que "L'éducation doit développer la capacité de reconnaître et d'accepter les valeurs qui existent dans la diversité des individus, des sexes, des peuples, des cultures et de développer la capacité de communiquer, de partager et de coopérer avec "l'autre"".

Curriculum
Dans la francophonie, ce mot a été longtemps synonyme de "programmes scolaires". Par ailleurs, une autre acception du terme, inspirée de la littérature pédagogique anglo-américaine, est aujourd’hui fréquemment utilisée. Ainsi, le curriculum peut être entendu comme l’ensemble structuré des expériences d’enseignement et d’apprentissage, ce qui inclut les programmes d’études, mais également les textes prescriptifs tels que les directives, le régime pédagogique, les matériels pédagogiques, les tests et examens, les épreuves de fin de cycle, les moyens d’évaluation formative et sommative, la réglementation scolaire.


Dans le domaine de l’éducation à la paix, "Les écoles peuvent aussi décider de revoir leurs programmes actuels et de recenser les matières où les thèmes et les éléments de l’éducation pour la paix figurent déjà. En imprimant une optique différente à un plan de cours, l’enseignant peut aider les élèves à identifier ces thèmes et à en apprendre davantage par la discussion et la recherche. L’élève peut alors mener à bonne fin ces expériences d’apprentissage et mieux apprécier la nécessité d’un comportement pacifique dans la vie quotidienne en société.(10) "

Par ailleurs la notion de curriculum couvre un champ plus large que les aspects formels de l’enseignement. Pour exprimer d’autres réalités dans lesquelles s’inscrit l’apprenant, on a recours aux notions de curriculum informel et de curriculum caché.

Les activités éducatives et les contenus d’enseignement non prescrits et non prévus dans le cursus scolaire de base appartiennent au curriculum informel. À titre d’exemple, Les activités extracurriculaires ou parascolaires peuvent mettre en lumière les thèmes et les composantes d’un programme d’éducation pour la paix comme, par exemple, la participation des élèves et des enseignants à des activités des Nations Unies ou leur adhésion à des organisations militantes sur le terrain (par ex. des ONG). Les conseils des délégués de classe, les programmes consultatifs peuvent aussi fournir l’occasion dans la vie parascolaire de promouvoir les principes de la coexistence pacifique (BIE, supra).

Selon le Conseil de l’Europe, le terme de "curriculum caché" désigne l’ensemble des situations quotidiennes, naturelles et spontanées qui surviennent dans la vie de l’école. Elles ne sont pas organisées ou provoquées par les enseignants, mais englobent tous les événements ordinaires qui ont lieu en milieu scolaire : situations de communication et de collaboration, lutte pour le pouvoir, défi à l’autorité, conflits, négociations, amitiés, situations d’injustice et de discrimination. Le curriculum caché comprend ainsi: l’apprentissage non académique (attitudes, valeurs, normes, identités, dispositions ou messages implicites de l’environnement social scolaire) ; l’apprentissage implicite soutenu par l’environnement scolaire existentiel (contrairement au curriculum manifeste ou voulu, qui provient de l’environnement scolaire cognitif) ; la culture organisationnelle ou les arrangements interpersonnels dans lesquels s’effectue la scolarisation : relations sociales, modèles comportementaux dominants, symboles, types de comportements personnels, façons de se présenter, image de soi, identification culturelle ; l’influence éducative inconsciente, imprévue et non intentionnelle, par opposition à l’influence écrite, prévue et délibérée exercée à l’intérieur du curriculum manifeste(11) .

Tant les curricula formel, informel que caché proposent des valeurs – explicites ou implicites – qui ont une incidence sur la construction de la vie démocratique et le respect des droits de l’homme. À cet égard, il convient de voir, par exemple, si des manuels scolaires contiennent des stéréotypes sexistes ou s’ils promeuvent l’égalité entre les hommes et les femmes. Le projet éducatif de l’école encourage-t-il l’apprentissage du "vivre ensemble" ? Les attitudes d’éducateurs sont-elles ou non discriminatoires vis-à-vis des élèves appartenant à des minorités ethniques, linguistiques ou religieuses ?

Éducation à la citoyenneté démocratique
L’éducation à la citoyenneté démocratique vise à rendre la personne consciente de ses droits et de ses obligations vis-à-vis autrui et la collectivité en général. Elle suggère également que, dans son rôle de former des personnes autonomes, l'école prépare à l'exercice d'une citoyenneté active par le développement de l'esprit critique et l’écoute de l’autre. Cette éducation invite à la maîtrise de compétences permettant d'exprimer la capacité de défendre et de promouvoir les valeurs démocratiques et les droits de la personne à l'intérieur de l'établissement scolaire comme dans la société en général, de se préparer à participer activement au fonctionnement des institutions démocratiques, de faire preuve de solidarité sociale, de compréhension internationale et interculturelle. Cette éducation renvoie aussi à la connaissance des règles de la vie commune, à la compréhension des relations que les personnes entretiennent entre elles et avec l'environnement, à l'influence des médias dans le processus de construction de re-présentions de la vie en société. Elle fait également place à l'histoire des idées et des rapports entre États, peuples et nations. Elle s'inscrit dans une dynamique d'inclusion sociale faisant de ses contenus et de ses activités un lieu de rencontre et de partage des valeurs de la démocratie, de la paix et des droits de l’homme.

Les travaux portant sur les approches d'éducation à la citoyenneté sont nombreux et diversifiés. Ce qui importe également de signaler, c'est la tendance observée à décloisonner cette éducation en l'intégrant le plus possible dans l'ensemble des activités éducatives. Jusqu'à il n'y a pas longtemps, il s'agissait d'inscrire au programme d'études des cours d'"instruction civique" puis, par la suite, d'éducation civique. Les disciplines porteuses de cette formation étaient généralement limitées à l'histoire et à la géographie. Ces cours ont longtemps été presque uniquement des moyens d'alphabétisation institutionnelle, c'est-à-dire qu'ils se centraient sur la connaissance des institutions politiques et administratives ainsi que de leur fonctionnement, des lois et des constitutions nationales, surtout. Bien que cette approche ne soit pas sans intérêt pour ce qui est du développement de l’esprit civique et du sens de la territorialité, il convient par ailleurs de mentionner que de plus en plus, l'éducation à la citoyenneté recouvre un champ beaucoup plus large de savoirs, d'attitudes et de comportements à acquérir. C'est ainsi que des nouveaux programmes d’éducation à la citoyenneté tendent à investir à la fois les domaines des connaissances formelles, de l'éducation aux valeurs ainsi que des liens transversaux à établir entre ces dimensions de l'apprentissage et la vie scolaire en général. Dès lors, cette éducation invite à transcender les frontières nationales pour aborder l’émergence de nouvelles formes de citoyenneté basées sur d’autres repères identitaires tels ceux, par exemple, de citoyenneté européenne et de citoyens du monde.

Éducation à la paix
Si "Il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre ou toute autre forme de comportement violent soit génétiquement programmé dans la nature humaine" , que les conflits sont des constructions sociales, alors il est possible d’"élever l’homme"(12), à ériger dans son esprit les défenses de la paix par l’éducation : "moins de fusils, plus de crayons", s’employait à répéter le fondateur de l’École instrument de paix, Jacques Mühlethaler.

La paix est donc possible si on apprend à l’enfant à réguler ses comportements en partageant et en respectant les principes, les règles et les valeurs qui permettent la résolution pacifique des conflits et qui privilégient la négociation et le dialogue plutôt que la confrontation. Les recherches qui traitent de la violence à l’école semblent indiquer, d’après Véronique Truchot, que les établissements scolaires qui sont le plus aux prises avec ce phénomène, sont des écoles où la parole ne circule pas ou ne circule plus. Ce n’est pas par hasard, d’ajouter V. Truchot, si les politiques de prévention de la violence en milieu scolaire préconisent la mise en place de "lieux de participation et de dialogue devant favoriser une éducation par l’expérience, mais aussi améliorer le climat des classes et des établissements (13)".

Dans son Programme cadre de l’"Éducation pour la paix" l’Unesco énonce les principes suivants :

  • chaque membre de la société doit respecter les valeurs inhérentes au bonheur de l’homme, telles que la justice, la liberté, la responsabilité, l’égalité, la dignité, la sécurité, la démocratie et la solidarité ;
  • il peut devenir un participant actif dans la communauté locale [et au sein de la société en général], s’engager à favoriser l’harmonie à l’échelle mondiale et accepter la diversité de l’humanité ;
  • il doit agir sur le plan individuel et sur le plan communautaire pour protéger la planète afin de garantir aux générations futures le droit à un avenir durable.


Pour appliquer ces principes, nous dit l’Unesco, il faut d’abord reconnaître que les relations pacifiques sont indispensables à tous les niveaux : personnel, familial, communautaire, interculturel et mondial. Selon le Programme cadre, tous les peuples devront donc, grâce à l’éducation, acquérir des connaissances et des compétences particulières qui influeront sur le comportement des individus et des groupes. Le Programme cadre servira de modèle aux programmes d’enseignement formel et informel de l’école. Ce faisant, l’"Éducation pour la paix " doit envahir tous les aspects de la vie scolaire, en impliquant les apprenants, les enseignants et les administrateurs. Elle dépassera le cadre scolaire pour embrasser la société toute entière(14) .

L'une des caractéristiques de l'éducation à la paix est sans doute sa faculté de s'intégrer de manière transversale dans les différents cursus. Cette éducation influe ainsi sur toutes les matières enseignées et sur les autres domaines de connaissances et d'expériences. Celles-ci prennent toute leur signification du fait que l'éducation à la paix peut toucher de très près la vie quotidienne de chacun.

Éducation aux droits de l’homme
L’éducation aux droits de l’homme fait appel à la notion de droits. Ceux-ci, souligne Yves Lador, ont un contenu précis, qui fait référence à un corpus national et international de notions codifiées dans les lois nationales et les traités internationaux. Dans toute éducation aux droits de l’homme, ces éléments doivent être pris en considération. Ce sont eux qui donnent sens et spécificité à cette éducation (15).

Toute personne est sujet de droit. Ce statut est ainsi celui de tous les membres d'une communauté scolaire. Il fonde la relation avec l’Autre et les institutions. L'éducation aux droits de l'homme rappelle que le processus d'apprentissage doit permettre aux élèves de comprendre leur qualité de citoyen en la cultivant déjà dans l'école et d’apprendre à vivre ensemble dans une société démocratique(16).

L’éducation aux droits de l’homme à l’école suppose que le climat qui y règne soit propice à son développement. Elle suggère également que les enseignants en maîtrisent bien l’intention et les repères juridiques. Comme l’écrit Monique Prindezis, une éducation qui ferait simplement allusion aux grands principes moraux sans présenter leur traduction dans les normes juridiques et des instruments d’application, ne pourrait être considérée comme une éducation aux droits de l’homme. La connaissance des textes garantissant les droits et les usages que l’on peut en faire est un élément fondamental d’une éducation aux droits de l’homme (17). C’est dans cette perspective que les ministres de l’éducation décidèrent, lors de la quarante-quatrième session de la Conférence internationale de l’éducation, en 1994, de développer leurs efforts en vue de mettre les instruments internationaux reconnus dans le domaine des droits de l’homme à la disposition de toutes les institutions éducatives. La même année, les Nations Unies proclamaient la Décennie de l’éducation aux droits de l’homme, qui vise à construire une culture universelle des droits de l’homme par la formation, la sensibilisation et la diffusion de l’information en matière de droits de l’homme.

Les droits de l’homme font appel à de multiples concepts qui justifient une approche pédagogique pluridisciplinaire (18). Ainsi en est-il de la dignité de la personne humaine, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité individuelle et collective, de la liberté d'expression et d'association, etc. Ce sont autant de références qui cherchent à dire notre place dans l'histoire comme dans la vie de tous les jours, dans nos activités scientifiques et littéraires comme dans l'expression artistique ou la vie associative. L'apprentissage de ces concepts permet la construction d'un langage commun, indispensable pour poser les bases d'une discussion fondée sur la réciprocité.

La compréhension de concepts relatifs aux droits de la personne ne doit cependant pas s'apparenter à une entreprise d'abstraction. Les droits humains s'apprennent dans la pratique et visent à éveiller l'esprit critique. Cette compréhension suppose aussi la capacité de comprendre les représentations culturelles diverses auxquelles donne lieu l'analyse de concepts (19).

Formation des maîtres
La formation et la préparation des jeunes à leur insertion réussie dans la société dépend dans une très large mesure de la qualité de la formation qu'ils auront reçue. À cet égard, comme le souligne la Commission internationale de l'Unesco sur l'éducation pour le vingt et unième siècle, "pour améliorer la qualité de l'éducation, il faut d'abord améliorer le recrutement, la formation, le statut social et les conditions de travail des enseignants, car ceux-ci ne pourront répondre à ce qu'on s'attend d'eux que s'ils ont les connaissances et les compétences, les qualités personnelles, les possibilités professionnelles et la motivation voulue." Les membres de cette Commission, présidée par Jacques Delors, ajoutent que le monde dans son ensemble évolue aujourd'hui si rapidement que les enseignants, comme les membres de la plupart des autres professions, doivent désormais admettre que leur formation initiale ne leur suffira pas pour le restant de leur vie: il leur faudra, tout au long de leur existence, actualiser et perfectionner leurs connaissances et leurs techniques. C'est ce que l'Organisation pour la coopération et de développement économique (OCDE) appelle le renforcement des bases de l'apprentissage à vie(20).

Lors de la 45e Conférence internationale de l'éducation de l'Unesco tenue, en 1996, sous le thème du "renforcement du rôle des enseignants dans un monde en changement", de nouveaux défis problématiques furent l'objet d'une attention particulière. Au nombre de ceux-ci, signalons particulièrement la connaissance et l'intégration dans l'enseignement des enjeux mondiaux. Cette approche de l’éducation s’apparente à la notion d’éducation internationale telle que définie par l'Unesco dans la Recommandation sur l'éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationales et l'éducation relative aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales adoptée par ses États membres en 1974. Comme l'indique le chapitre de cet instrument international consacré à la signification des termes, le mot éducation désigne un processus global par lequel peut être rendu possible la prise en compte indivisible des grands enjeux contemporains. Et l'on retrouvera ce même fil conducteur, notamment dans une recommandation et une déclaration émanant respectivement du Bureau international d’éducation et de la Conférence internationale de l'Unesco sur l'éducation(21) . Dans ces textes, on notera cette invitation à intégrer les enjeux de la vie contemporaine dans les contenus de formation initiale et continue des enseignants.

Un peu partout dans le monde, les réformes scolaires en cours proposent des modifications aux contenus de l'enseignement. Pour les enseignants déjà en exercice, la maîtrise de nouveaux contenus curriculaires laisse supposer une nécessaire mise à jour des compétences acquises par une formation continue appropriée: " Les enseignants en exercice devraient se voir offrir régulièrement l'occasion de se perfectionner grâce à des sessions de travail en groupe et des stages de formation continue", insiste-t-on(22) . Les enseignants, écrit-on dans le Rapport Delors, sont donc aussi concernés par cet impératif d'actualisation des connaissances et des compétences. Leur vie professionnelle doit être aménagée de telle sorte qu'ils soient en mesure, voire qu'ils aient l'obligation, de perfectionner leur art et de bénéficier d'expériences menées au sein de diverses sphères de la vie économique, sociale et culturelle(23) . Et il est permis de supposer que des aspects importants des réformes en cours influeront sensiblement sur la formation des enseignants bien qu'on ait observé que, dans certains contextes, la mise à jour des compétences n'entraînait pas toujours des changements réels quant à la qualité et à l'efficacité des services éducatifs(24) . Pour pallier cette difficulté, des auteurs recommandent de prendre en considération la réalité des contextes variés dans lesquels oeuvrent concrètement les enseignants et ce, en vue de faire correspondre le mieux possibles l'acquisition de nouvelles compétences aux caractéristiques de l'environnement scolaire(25) . Mais les nouveaux enjeux relatifs à la qualification ne commandent pas uniquement une prise en considération des besoins locaux, mais également un approfondissement pour l'ensemble des enseignants de nouvelles méthodes qui permettent de développer une vue d'ensemble des nouveaux défis éducatifs par le biais, par exemple, des compétences transversales et d'une approche transdisciplinaire de l'enseignement. À ce sujet, il semble qu'un certain nombre d'obstacles - qui semblent tenir parfois de la résistance des enseignants eux -mêmes au changement- devront être levés. Et c'est d'abord en amont que la question se poserait: " La formation des formateurs est le problème le plus redoutable de l'enseignement transdisciplinaire", souligne-t-on(26) .

Au cloisonnement disciplinaire dont la formation initiale et continue des enseignants a longtemps été l’objet, il conviendrait d’y privilégier davantage une approche qui puisse favoriser une lecture transversale des enjeux, l’analyse de la complexité et l’intégration des apprentissages dans l’acte d’enseigner. À cet égard, une formation des enseignants à l’éducation aux droits de l’homme, à la paix et à la citoyenneté démocratique n’est pas réductible à une seule matière scolaire ni à un seul champ d’activités scolaires bien circonscrit. Elle s’inscrit plus largement dans cet ensemble complexe des représentations que l’humain se fait de son semblable et des relations qu’il construit avec lui au fil du temps. Ce qu’il nous faut, écrivait déjà Jean Piaget, en 1931, c’est une attitude intellectuelle et morale nouvelle, faite de compréhension et de coopération, qui sans sortir du relatif atteigne l’objectivité par la mise en relation des points de vue particuliers eux-mêmes(27) .


Indicateurs
Les système éducatifs se dotent d’indicateurs divers pour en évaluer les performances, permettre un état des lieux ainsi que des comparaisons. Il est admis que la construction de bons indicateurs, garants de fiabilité, sont des sources indispensables pour évaluer des états de situations à un moment donné, comme le taux de fréquentation et de réussite scolaire, par exemple, et de pouvoir prendre des mesures appropriées en vue d’en augmenter la progression, là où la situation est jugée problématique.

Selon Paul Hunt (28), la communauté internationale devra retenir quelques indicateurs clés du droit à l'éducation, parmi lesquels: la part en pourcentage des dépenses consacrées aux établissements d'enseignement dans le PIB; le montant des dépenses annuelles par élève/étudiant dans l'enseignement primaire, secondaire et supérieur; le taux d'alphabétisation. L’auteur précise que, dans la mesure où les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et celles de la Convention relative aux droits de l'enfant se recoupent, il faudrait que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité des droits de l'enfant utilisent les mêmes indicateurs clés du droit à l'éducation. Bien entendu, ajoute-t-il, du fait des différences de libellé entre les divers instruments relatifs aux droits de l'homme, certains indicateurs peuvent ne pas s'appliquer dans tous les cas. En ce qui concerne les institutions spécialisées, le droit à l'éducation relève du mandat de plusieurs d'entre elles, comme on l'a vu ci-dessus. Ainsi, en vue d'identifier des indicateurs relatifs à l'éducation, une collaboration entre les institutions compétentes est hautement souhaitable. Enfin, Paul Hunt écrit que le fait de tenter de définir des indicateurs clés du droit à l'éducation revient en un sens à convenir d'un nouveau vocabulaire de base pour parler des droits de l'homme. Si chaque organe conventionnel formule des indicateurs différents en matière d'éducation, une importante occasion d'élaborer un nouveau langage commun particulièrement utile dans le contexte des droits économiques, sociaux et culturels aura été manquée. Cette terminologie de base doit allier cohérence et simplicité, faute de quoi il sera difficile d'en généraliser l'emploi.

On peut aussi avoir recours à des indicateurs qualitatifs qui permettent d’évaluer des situations d’apprentissage en classe. Par exemple, dans le domaine du vivre ensemble, des indicateurs de stratégies préventives et de remédiation peuvent être développés utilement (29). Dans le premier cas, il s’agirait, par exemple, d’apprécier la qualité de l’aménagement intérieur de la classe et les attitudes de l’enseignant qui favorisent le travail coopératif et la bonne entente [ce qui s’apparente à l’approche Child Friendly de l’Unicef (30)]; dans le second, il s’agirait de favoriser la prise de parole des élèves et d’avoir recours à moyens et techniques de résolution de conflits qui tiennent compte des droits et des obligations de tous.

Innovation
Selon des spécialistes de la formation en enseignement innover, ce serait le fait d’introduire quelque chose de nouveau, dans un contexte donné. Les milieux éducatifs les plus sains, écrit-on, sont souvent les plus novateurs; ils suivent de plus près les interactions entre enseignantes ou enseignants et élèves et ont tendance à essayer de les modifier afin qu'elles servent le mieux possible leur objectif d'enseignement. Ce sont des milieux doués d'une "adaptabilité élevée", plus réceptifs aux idées pédagogiques nouvelles. Ils tendent à croître, à se développer et à changer au lieu de se borner à observer la routine et la norme, particulièrement devant la manifestation d'un symptôme de problème. Plutôt que de fuir celui-ci, les éducatrices et éducateurs de tels milieux ont tendance à chercher à diminuer l'écart entre la situation observée et la situation souhaitée et à chercher des solutions nouvelles. Et pour ce faire, ils possèdent une aptitude à identifier et à résoudre ces problèmes de façon durable, au prix d'une dépense minimale d'énergie (31).

Le concept d’innovation s’oppose à celui de rigidité. La résistance au changement empêche l’expérimentation de nouvelles pratiques éducatives. Des contenus d’enseignement trop normatifs interdisent l’adaptation de l’enseignement à la diversité des situations d’apprentissage. L’innovation remet en question le conformisme pédagogique qui réduit l’acte d’enseigner à des automatismes et à des schémas préconçus illustrant ce que doivent être les "bonnes méthodes". L’innovation nécessite de la flexibilité et fait davantage place à la vie des jeunes dans les établissements d’éducation (32). Et l’innovation serait de plus en plus présente dans les écoles où le savoir sort de son sanctuaire, est relativisé et où ce qui est recherché est de posséder des attitudes mentales et sociales susceptibles de juger, de raisonner et de savoir séparer la fausseté de vérités à travailler (33).

Dans le domaine de l’éducation aux droits de l’homme, à la paix et à la citoyenneté démocratique, l’innovation s’inscrit non pas seulement dans un processus d’apprentissage formel, mais dans une démarche active de socialisation politique. Nombre d’expériences positives à cet égard ont été réalisées un peu partout dans le monde, comme en témoignent, notamment, deux publications récentes (34).

Politiques éducatives
On peut attribuer à la notion de politique éducative le sens d’une orientation par l’État des finalités, des objectifs et des contenus de son système éducatif. Ces politiques peuvent concerner plusieurs secteurs : l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire et secondaire ; la formation des adultes et l’éducation permanente ; la formation universitaire et continue des enseignants ; etc.

La mise en œuvre des nouvelles politiques éducatives soulève, par ailleurs, la question des inégalités. Pour Lynn Davies (35), par exemple, une réforme du curriculum dans tel pays dont les écoles sont inégalement approvisionnées en ressources aura peu d'effet en termes d'équité si cette même réforme ne s'accompagne pas d'une redistribution de l'argent de manière à soutenir davantage les milieux défavorisés. Pour Davies, les tensions et les ambiguïtés observées résultant des réformes éducatives peuvent être analysées sous l'angle des droits de l'homme et des enjeux pour la démocratie. À cet égard, poursuit-elle, il faut noter que les enjeux majeurs tournent autour des tensions opposant centralisation et décentralisation, offre et demande, discrimination et non-discrimination. Dans plusieurs cas, ajoute-t-elle, les populations sont écartées des décisions à prendre. Toujours est-il que pour les fins de l'analyse, l’auteure propose que l’on qualifie les réformes en cours de "progressistes" ou de "régressives" à partir des critères comparés et présentés dans le tableau qui suit.


RÉFORMES
POSITIVES/PROGRESSISTES
NÉGATIVES/RÉGRESSIVES
Compétences à acquérir
Bonnes conditions d'apprentissage accessibles à tous
Insistance sur la mesure des apprentissages; évacuation d'enjeux sociaux et des droits de l'homme
Autonomie financière de l'établissement
Démocratie participative des usagers
Compétition entre les établissements.Sélection/élimination des élèves. Absence de pouvoir des communautés locales
Reddition des comptes
Transparence; délégation d'autorité;partage équitable des ressources
Surveillance; pouvoirs occultes des autorités
Responsabilisation des acteurs
Plus grande participation de la communauté
Inégalités entre familles, savoir et pouvoir, hommes et femmes
Rendement
Redistribution équitable des ressources
Secondarisation des enfants et des écoles défavorisés
Décentralisation de la prise de décision
Droits et besoins de la communauté pris en compte
Ignorance de droits de catégories vulnérables
Curriculum national
Meilleure équité pour tous
Négation de l'autonomie professionnelle des enseignants et des caractéristiques particulières des élèves



Pour Louis Legrand (36), c’est la tâche ingrate et nécessaire de la réflexion politique sur le système éducatif que de mettre en lumière les tensions et les dysfonctionnements en suscitant la réflexion, voire la contestation, et en suggérant d’hypothétiques solutions. Ces dernières, ajoute-t-il, verront peut-être un jour leur réalisation par la force latente des évolutions d’infrastructures. Elles rappelleront, en tout cas, souligne-t-il, les nécessités éthiques à poursuivre, sans lesquelles une politique risque de n’être qu’une gestion à la petite semaine. Le sort de l’homme de demain vaut certainement de s’intéresser à de nécessaires utopies, de conclure l’observateur.

Le grand objectif mondial des politiques éducatives se doit d’assurer à tous le droit à l’éducation. L’article 26 de la DUDH et l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels affirment ce droit à l’éducation pour toute personne indépendamment de son âge. La Convention relative aux droits de l’enfant, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, stipule, en son article 28, que les États parties reconnaissent le droit spécifique de l’enfant à l’éducation.

Il ressort également que les politiques de l’éducation se doivent aussi d’assurer la qualité des contenus de l’éducation, à la lumière des objectifs visés par l’Organisation des Nations Unies : "l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, cette éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix".


Quelques exemples de mise en contexte

Apprendre à vivre ensemble grâce à l’enseignement de l‘histoire et de la géographie (37)

"Dans le cadre de la mondialisation et de la régionalisation, on doit s’interroger sur les contenus de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Quelle culture reconnaître : la locale, la régionale, la nationale, l’internationale ou la mondiale ? Quel sens doit-on donner à nos contacts avec d’autres cultures, dans un monde qui se mue progressivement en " village planétaire ?"
[…]
"Les manuels d'histoire et de géographie, édités au cours du XIXe siècle, avaient recours à une vision de l'histoire et de la géographie fondée sur quatre principes : (a) l'évolution au fil du temps ; (b) l'organisation de la société ; (c) la lutte pour la survie et (d) le progrès. À la fin du XIXme siècle, un changement s'est opéré. L'influence écrasante des attitudes impérialistes et patriotiques est devenue progressivement manifeste dans ces manuels. Le rôle naissant de l'État-nation et la progression de la civilisation européenne à travers le monde, ceci en raison du colonialisme, ont commencé à influencer les programmes officiels d'histoire et de géographie. La période 1950–1970 a été marquée par une stagnation, puisque l'on pensait que l'enseignement de la géographie, du moins, devait refléter une position neutre. Cette ère s'est achevée à la fin des années 70 lorsque, sous l'influence de l'idéologie socialiste, on a assisté à un changement conceptuel : l'enseignement de la géographie devait contribuer à réduire les inégalités sociales. Parallèlement, les gouvernements eux-mêmes ont commencé à attacher de l'importance à la contribution de l'enseignement de la géographie au développement économique. L'État est donc intervenu en contrôlant les programmes et les examens. Les programmes actuels de géographie, qui ont recours à des approches centrées sur l'élève, consistent maintenant en :

  • savoir-faire technique : utilisation des cartes, emploi d'une terminologie appropriée, utilisation des données et des ordinateurs, etc.
  • Connaissance comparée de régions données : localisation de l'école, comparée à un autre lieu dans le même pays ; comparaison de localités situées dans des pays développés et de localités situées dans des pays en développement, etc.
  • Connaissances thématiques : processus tectoniques, climat, géomorphologie, écosystèmes, population, activités économiques, problèmes environnementaux et de développement, etc.

L'enseignement est également orienté vers la connaissance de réseaux qui encouragent l'échange des informations, ou entre les personnes et celui des biens, à l'échelle planétaire. Les nouveaux réseaux soutiennent-ils la souveraineté nationale ou plutôt ouvrent-ils la porte à un concept plus vaste, celui d'appartenance à un " village planétaire " ? Ces réseaux renforcent- ils les liens entre la région, l'État et le monde ? Quels mécanismes institutionnels utilise-t-on dans la protection du territoire national ? À ce sujet, une tension entre l'intérêt national et le marché mondial devient manifeste. L'histoire et la géographie doivent aborder ces tensions et nous aider à comprendre le nouveau type de citoyenneté qui est en train d'émerger. Une autre question à poser est celle de savoir si les réseaux mondiaux suscitent eux-mêmes des réponses défensives de la part des systèmes plus petits, sur la base de leurs valeurs locales et traditionnelles."


Curriculum (38)

[…]
"Établir dans les systèmes éducatifs une stratégie double d’éducation pour la paix qui combine un mode transversal et un mode de formation explicite : il existe plusieurs options pour institutionnaliser l’enseignement de la paix dans le système éducatif. L’une d’entre elles est de faire en sorte que la paix, et plus particulièrement la négociation des conflits, soit une discipline du programme scolaire. Une autre est de convertir l’apprentissage de la paix en une question transversale enseignée dans tous les programmes, projets et disciplines des établissements d’éducation. Ce serait en quelque sorte un programme de travail omniprésent par-delà les formulations explicites, et qui suppose la promotion d’un mode de conduite, d’attitudes, de techniques et de capacités de coexistence dont la négociation des conflits. Nous proposons d’entreprendre un effort pour mêler les stratégies. D’une part, il s’agit que la paix se convertisse en " contenu " à partir duquel on impartit des connaissances. Dans ce cas, la recherche sur des conflits (et sur des conflits précis) et l’élaboration théorique conceptuelle sont les plus importantes. D’autre part, il faut faire en sorte que la paix et la négociation des conflits se traduisent en attitudes et capacités habituelles des institutions éducatives. Ainsi, la connaissance du contenu s’enrichit avec la résolution pacifique des conflits instaurée comme pratique réelle des centres éducatifs."

[…]

"Si la formation pour la paix en général et celle de la résolution pacifique des conflits en particulier n’atteignent pas un niveau visible d’institutionnalisation dans la vie scolaire, elles ne seront pas efficaces. C’est-à-dire que ce programme devra apparaître d’une manière ou d’une autre dans les activités de l’établissement scolaire : comme matière obligatoire, comme formation extrascolaire dispensée à l’école, comme campagne spéciale de durée limitée, etc. S’il n’apparaît pas de manière explicite dans le système éducatif, il n’atteint pas son objectif qui est d’éduquer pour résoudre les conflits sans violence."

"Au sein du système éducatif il y a le fonctionnement réel de l’école. Là, les critères d’évaluation doivent associer les aspects qualitatifs […] aux résultats obtenus : la création de normes de coexistence pour la paix et le respect de la dignité des personnes, l’instauration de conseils éducatifs pour la résolution des conflits entre élèves, des exemples de dialogue et d’accord entre éducateurs et élèves, le niveau de réduction (ou d’augmentation) de la violence entre jeunes, les modifications des pratiques des enseignants qui favorisent la violence et l’autoritarisme, etc."

[…].


Éducation à la citoyenneté (39)

Les règles du jeu
"De leur côté, les écoles et collèges de l’enseignement post-obligatoire ont aussi entamé une réflexion sur le thème de la citoyenneté. Chaque établissement est invité à formuler un projet de pratique citoyenne. Pour l’heure, la majeure partie des écoles ont développé l’une ou l’autre de ces structures participatives. Pas de réunions de classe, mais plutôt des assemblées de délégués et des conseils tripartites (élèves, enseignants, représentants de la direction). Dans les degrés supérieurs, on se préoccupe surtout de l’aménagement du temps d’étude, de la gestion du stress pendant les sessions d’examens, de l’orientation du parcours de l’élève. Dans certains collèges, les délégués participent au conseil de promotion. Une assemblée purement consultative, puisque la direction reste l’instance décisionnelle dans les modalités de la progression scolaire de l’élève. Mais par cette incursion dans les mécanismes de décision, en montrant le fonctionnement de l’école, on espère bien favoriser la motivation et l’implication des jeunes. L’Ecole de culture générale Jean-Piaget, pour ce qui la concerne, a instauré, il y a quelque temps déjà, une véritable culture de la participation. La " Table ronde " tripartite (élèves, maîtres, direction) rassemble plus de 80 participants, toutes les six semaines. Deux délégués sont élus dans chaque classe en début d’année. Ils se réunissent pour préparer les sujets qui seront traités. A cette occasion, on discute de tout, de la mise sur pied d’un groupe de théâtre à la question de la gestion des absences. On s’informe, on propose, on organise: un cours de baby-sitting avec un animateur de la Croix-Rouge, l’installation d’un coin musique pendant les récréations. Et l’on met ici sur pied la récolte et la remise en état de jouets pour une organisation humanitaire, là diverses activités festives."

La médiation
"Plusieurs écoles du canton étudient des modèles de médiation par les pairs (soit: des élèves), pour résoudre des conflits et prévenir la violence dans leurs murs. Ces principes permettent de clarifier et éventuellement, par le dialogue, de restaurer une relation qui avait été rompue. Les élèves sont amenés à exposer des faits et à décrire leurs sentiments, sans porter de jugement. Des sensibilisations à ces méthodes seront proposées dès la prochaine rentrée à des classes de l’Ecole primaire de Cayla et des cycles d’orientation des Coudriers et de Sécheron, notamment. Objectif: apprendre aux jeunes médiateurs à s’interposer dans une dispute, en leur indiquant clairement les limites de leurs interventions. Lors de dynamiques fortement conflictuelles, quand des élèves sont pris dans des rapports de force – dénigrement, menace ou bagarre –, la médiation est organisée sur rendez-vous dans un local. Hors du cadre de la classe, mais en présence d’un enseignant ou du conseiller social de l’école, toujours prêt à prendre le relais."


Éducation à la paix (40)

"Plus que toute autre époque de notre histoire, les dernières 99 années ont vu davantage de morts, et spécialement de morts violentes, provoquées par la guerre, la famine et d'autres causes évitables. Encore et toujours, des dictateurs fous et des militaires avides ont tenté d'arracher les jeunes pousses de la démocratie. Au cours de ces années, le gouffre entre les privilégiés et les damnés de la terre s'est élargi et l'indifférence n'a cessé de grandir entre eux.

Pourtant, ce siècle a aussi été le témoin d'un renforcement de la résistance des citoyens, qui leur a permis de triompher de l'oppression et des vieux préjugés, sources de conflits tels ceux entre les sexes, les races, les religions et les groupes ethniques.

Ces années ont vu exploser les connaissances scientifiques et technologiques, offrant la possibilité d'une vie acceptable pour tous les habitants de cette planète. Elles ont également assisté à la création des droits universels qui, s'ils étaient pris au sérieux, pourraient concrétiser cette possibilité, et à l'aube d'un système mondial pouvant faciliter cette transition, à condition de lui permettre un développement.

Nous, membres et représentants d'organisations de citoyens, issus d'une grande variété de cultures et de milieux sociaux différents, conscients de la double histoire de ce siècle, nous lançons l'appel suivant à nos partenaires et à ceux qui prétendent nous guider:

Alors que le monde est sur le point de franchir le seuil du 21ème siècle, faisons en sorte qu'il soit le premier siècle sans guerre.

Trouvons les moyens, et mettons en oeuvre les moyens déjà existants, pour empêcher les conflits en supprimant leurs causes, notamment l'inégalité dans la distribution des vastes ressources du monde, l'hostilité entre les nations et à l'intérieur des nations mêmes, et la présence d'immenses arsenaux conventionnels et d'armes de destruction massive.

Lorsque les conflits surgiront, puisque tel sera le cas malgré nos efforts les plus vigoureux, trouvons les moyens, et mettons en oeuvre les moyens déjà existants, de les résoudre sans avoir recours à la violence.

En résumé, achevons le travail entrepris voici un siècle lors de la Conférence de La Haye pour la Paix. Retrouvons l'ambitieuse vision d'un désarmement universel et total, brièvement apparue sur la scène internationale après la dernière guerre mondiale. Ce projet nécessitera de nouvelles structures pour la paix et le renforcement de l'ordre juridique international.

Enfin, trouvons la volonté morale, spirituelle et politique d'accomplir ce que nos dirigeants ne se sont pas encore résignés à réaliser, à savoir:

  • Abolir les armes nucléaires, les mines antipersonnel et toute autre arme incompatible avec le droit humanitaire;
  • Abolir les ventes d'armes, ou au moins les réduire à des niveaux compatibles avec l'interdiction de l'agression inscrite dans la Charte des Nations Unies;
  • Renforcer le droit et les institutions humanitaires, pour aller vers un monde sans guerres;
  • Rechercher les causes des conflits et promouvoir de nouveaux moyens de les empêcher et de les résoudre ;
  • Eliminer le colonialisme sous toutes ses formes et utiliser les énormes ressources libérées par la réduction ou la fin de la course aux armements pour:
  • Eradiquer la misère, le néo-colonialisme, le nouvel esclavage, et le nouvel apartheid;
  • Préserver l'environnement;
  • Promouvoir la paix et la justice pour tous.


Pour atteindre ces objectifs, nous nous engageons à oeuvrer pour l'abolition de la guerre et le remplacement de la loi de la force par la force de la loi."


Éducation aux droits de l’homme (41)

Principes directeurs
"Les orientations de la Décennie de l'enseignement des droits de l'homme sont fixées par la base juridique et la définition qui figurent dans la première partie du présent Plan d'action; il s'agit en outre de faire connaître et comprendre au plus grand nombre toutes les normes, notions et valeurs consacrées par la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme. La Décennie est placée sous le signe de l'élimination, notamment par les États, de l'analphabétisme, l'éducation étant entendue comme un élément indissociable de la vie pluridimensionnelle de l'individu et de la société, dont les droits de l'homme font partie intégrante.

Toutes les activités entreprises dans le cadre de la Décennie sont placées sous le signe de l'enseignement des droits de l'homme au sens le plus large : elles mettent en avant les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux et rappellent l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits tels qu'ils ont été définis par les Nations Unies.

Aux fins de la Décennie, l'enseignement doit toucher également les hommes et les femmes, quels que soient leur âge et leur catégorie sociale, tant dans le cadre de cours organisés à l'école et dans les lieux de formation professionnelle ou technique que par l'intermédiaire des institutions civiles, de la famille et des médias.

Pour être plus efficace, l'enseignement des droits de l'homme est conçu, dans le cadre de la Décennie, de manière qu'il ait un rapport avec la vie quotidienne des personnes auxquelles il s'adresse et qu'il les incite à échanger des idées sur les moyens de passer de la notion des droits de l'homme vus comme un ensemble de règles abstraites à une idée concrète de ce qu'ils représentent dans la réalité de leur milieu social, économique, culturel et politique.

Compte tenu de l'interdépendance et de la synergie entre démocratie, développement et droits de l'homme, l'enseignement des droits de l'homme vise, dans le cadre de la Décennie, à encourager la participation démocratique aux affaires politiques, économiques, sociales et culturelles, et sert à promouvoir le progrès économique et social et le développement durable axé sur l'individu.

L'enseignement des droits de l'homme, dans le cadre de la Décennie, est libre de tout sexisme et de tout stéréotype, racial ou autre, et il s'y oppose.
L'enseignement des droits de l'homme, dans le cadre de la Décennie, vise à apprendre un savoir et un savoir-faire et à avoir un effet bénéfique sur les attitudes et comportements, qui aille dans le sens de tous les autres principes énoncés dans le présent Plan d'action et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sur lesquels celui-ci se fonde."


Formation des maîtres (42)

"Nous, Ministres de l'éducation, réunis lors de la 45e session de la Conférence internationale de l'éducation :
[…]

  • Reconnaissant l'importance de la contribution que les enseignants apportent à la rénovation de l'éducation par leurs idées, leurs méthodes et leurs pratiques,
  • Convaincus que les enseignants sont des acteurs privilégiés du changement éducatif, qui doit s'opérer autant dans l'école et dans la salle de classe, à tous les niveaux et dans toutes les formes et filières de l'enseignement que dans le système éducatif dans son ensemble,
  • Conscients que l'accélération des changements requiert des enseignants qu'ils soient capables de guider et d'aider les apprenants non seulement à assimiler des connaissances mais aussi à devenir conscients de leur identité et à être tolérants, ouverts aux autres et aux autres cultures, aptes à poursuivre leur apprentissage tout au long de la vie, de façon qu'ils soient à même d'affronter l'avenir avec confiance,
  • Conscients que l'essor des nouvelles technologies doit modifier les conditions du métier d'enseignants et les rapports entre les enseignants et les apprenants,

[…]

Nous déclarons résolus à :


  1. Assurer la participation active des enseignants et de l'ensemble des partenaires de l'éducation aux processus de changement des systèmes éducatifs selon des formes de consultation et de coordination appropriées aux différents contextes socio-économiques, politiques et culturels de leur société.
  2. Développer et mettre en oeuvre des politiques intégrées visant à recruter et maintenir dans la profession enseignante des individus, hommes et femmes, motivés et compétents ; réformer la formation initiale et en cours d'emploi pour la mettre au service des nouveaux défis de l'éducation ; adopter des mesures encourageant l'innovation éducative ; renforcer l'autonomie professionnelle et le sens des responsabilités des enseignants ; améliorer leur statut et leurs conditions de travail.
  3. Concevoir ces politiques intégrées dans le cadre de stratégies destinées à assurer l'égalité d'accès à une éducation pertinente et de qualité, à promouvoir l'égalité des chances et l'apprentissage tout au long de la vie et à faire de l'école l'un des instruments primordiaux de la cohésion sociale, de la formation aux valeurs démocratiques et de la culture de la paix.
  4. Développer aux plans national, régional et international, toutes les formes de soutien, notamment aux enseignants qui travaillent dans des situations difficiles, de pauvreté extrême, de conflits armés, d'exclusion sociale ou dans des zones éloignées.
  5. Susciter l'engagement de tous les partenaires tels que les enseignants et leurs organisations, les apprenants eux-mêmes, les autorités morales et spirituelles, la famille, les entreprises, les médias et les intellectuels, artistes et scientifiques pour qu'ils contribuent activement à l'émergence d'une école conçue comme un centre actif d'apprentissage intellectuel, moral, spirituel, civique et professionnel continuellement adapté à un monde en changement.
  6. Nous inspirer dans notre action des recommandations qui accompagnent cette Déclaration que nous adoptons à Genève, ce 5 octobre 1996, Journée internationale des enseignants."


Indicateurs (43)

[…].
"10. Diverses publications offrent un large éventail d'indicateurs relatifs à l'éducation. On peut notamment se référer au Rapport mondial sur l'éducation de l'UNESCO, au Rapport mondial sur le développement humain du PNUD, au document intitulé Les femmes dans le monde : des chiffres et des idées - 1995, publié par l'ONU, ainsi qu'à Social Watch, publié par un groupe d'ONG. Le rapport Regards sur l'éducation : les indicateurs de l'OCDE, récemment publié, utilise pas moins de 41 indicateurs. Cependant, les indicateurs relatifs à l'éducation peuvent ne pas être identiques à ceux qui se rapportent au droit à l'éducation. Les grandes conférences relatives aux droits de l'homme organisées ces dernières années, notamment la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous qui s'est tenue à Jomtien (Thaïlande) en 1990 peuvent fournir des indications sur ce point. Les participants à la Conférence ont adopté la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous et le Cadre d'action pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux. Concernant les indicateurs, se reporter notamment à la section "Buts et objectifs" du Cadre d'action (par. 4 à 9). Les directives des organes conventionnels relatives à l'établissement des rapports envisagent également des indicateurs et des critères du droit à l'éducation. Dans la directive du Comité concernant l'article 13(1), par exemple, il est demandé aux Etats parties de répondre à la question suivante : "Quels objectifs et quelles normes à atteindre dans un délai donné votre gouvernement a-t-il fixés à cet égard ?" (E/C.12/1991/1, p.19).

S'agissant plus particulièrement de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'UNICEF et d'autres institutions ont engagé des travaux des plus utiles portant expressément sur les indicateurs du droit à l'éducation. Par exemple, à la réunion de l'UNICEF sur les indicateurs pour une surveillance mondiale des droits de l'enfant, qui s'est tenue à Genève du 9 au 12 février 1998. Ce ne sera pas nécessairement un tâche facile, mais en se fondant sur cette abondante expérience, il devrait être possible de formuler quelques indicateurs clés en la matière."

Grands axes d’action pour une bonne utilisation des indicateurs (44):

  • une approche interdisciplinaire ;
  • la professionnalisation du travail des institutions internationales et des ONG actives dans les domaines du développement et des droits de l'homme ;
  • le développement d'un véritable partenariat entre les experts dans les domaines de la statistique, du développement et des droits de l'homme ;
  • l'intégration de la dimension des droits de l'homme en tant que cadre de référence fondamental dans la conception et la mise en oeuvre des politiques d'information des instituts nationaux de statistique ;
  • la promotion de l'utilisation des informations et des méthodes statistiques par les organisations gouvernementales et non gouvernementales en charge de la politique du développement et de la défense des droits de l'homme ;
  • le renforcement du tissu de collaboration entre statisticiens et experts en matière de développement et des droits de l'homme ;
  • la révision et la consolidation du cadre conceptuel de la mesure et de l'analyse des progrès en matière de développement et des droits de l'homme ;
  • le renforcement de la coopération et de l'assistance technique dans le domaine de la statistique;
  • la garantie d'intégrité et de qualité du travail statistique qui est mis au service de l'observation du développement et de la réalisation des droits de l'homme ainsi que le respect du principe de la transparence scientifique ;
  • le renforcement de la coordination des initiatives et des projets internationaux visant à établir des indicateurs et des instruments de mesure du développement, de la réalisation des droits de l'homme et de la bonne gouvernance.

Innovation (45)

Tunisie: un apprentissage fondé sur les compétences.

"L'école de Mahjouba est un exemple type du projet intégré de développement scolaire lancé en 1992 dans le gouvernorat d'El Kef, à la frontière algérienne. Plus de 40% des habitants de la région sont analphabètes et plus de 10% vivent dans la pauvreté absolue. Le projet visait d'abord à renforcer les résultats de 30 écoles rurales d'El Kef en améliorant les méthodes d'enseignement, tout en développant l'infrastructure (construction de murs d'enceinte et de pièces polyvalentes, par exemple), en fournissant de l'eau potable et en plantant des potagers ou des vergers pour donner aux élèves des occasions d'apprentissage. Les méthodes expérimentées par Mahjouba et d'autres écoles d'El Kef ont donné de si bons résultats qu'elles ont été introduites dans 475 écoles primaires de tout le pays.

Ce projet, conçu par un comité directeur national d'experts de l'UNICEF et du ministère de l'Education, est appelé "enseignement axé sur les compétences". Cette expression désigne un système visant les aptitudes ou "compétences" que les enfants devraient pouvoir acquérir et sur lesquelles sont fondés l'enseignement, le rattrapage et l'évaluation. Les enseignants effectuent des contrôles réguliers afin de déterminer quelles compétences ont été acquises par les enfants et quels domaines nécessitent une attention particulière de leur part.

Dans de nombreuses régions du monde, l'enseignement repose sur des postulats et, trop souvent, le manque de compréhension et de préparation ne se manifeste que lors des examens de fin d'année; beaucoup d'élèves doivent redoubler parce que leurs problèmes n'ont pas été reconnus assez tôt. Les résultats d'El Kef sont encore préliminaires, mais néanmoins encourageants: le taux de passage à la fin de la sixième année est monté de 46% en 1991 à 62% en 1997.

Des réponses inattendues qui auraient autrefois valu à l'élève un coup de règle sur les doigts sont maintenant considérées par les enseignants comme une étape normale du processus d'apprentissage, ces mauvaises réponses pouvant même être utilisées pour évaluer les résultats de l'enseignement.

Samir Elaïd, qui enseigne à l'école de Mahjouba depuis 1987, est catégorique. Les résultats scolaires sont là pour prouver le bien-fondé du système: il y a trois ans, 10 des 30 élèves de sa classe de troisième année avaient dû redoubler, contre 4 seulement en 1998.

Abdallah Melki, principal de l'école, est un autre converti. Au début, cet homme de 50 ans au visage souriant nourrissait une certaine méfiance à l'égard des nouvelles méthodes, mais il est maintenant convaincu de leur efficacité, particulièrement pour les élèves en difficulté. Son seul regret est que l'approche fondée sur les compétences se soit jusqu'à présent limitée à trois disciplines: l'arabe, le français et les mathématiques, et à partir de l'année scolaire 1998-99, les sciences.

L'école de Mahjouba a également été une pionnière pour trois autres innovations. Dans la première, les élèves concluent avec l'enseignant un contrat sur le travail à accomplir pendant un laps de temps donné: par exemple deux pages d'orthographe et une de mathématiques pour la prochaine semaine. Les enseignants d'El Kef ont constaté que ce pacte aidait les enfants à se sentir plus responsables de leur propre apprentissage.

La deuxième innovation consiste à diviser la classe en groupes de trois ou quatre enfants. Les élèves travaillent individuellement sur la même tâche, puis ils parlent de leurs résultats et présentent une réponse commune. Dans une légère variante de ce système, les groupes sont composés d'élèves de différents niveaux qui travaillent ensemble et s'entraident.

La troisième nouveauté est la pratique du "tutorat" dans lequel les bons élèves dispensent conseils et explications à leurs camarades plus faibles. A l'école de Mahjouba, par exemple, Wahida aide son amie Hanene, ravie de ce soutien. Hanene a choisi elle-même Wahida comme "professeur particulier" car elles sont amies et font chaque matin le chemin de l'école ensemble. Quant à Wahida, elle trouve ses études beaucoup plus intéressantes et elle les comprend mieux depuis que son enseignant évalue régulièrement ses progrès."


Politiques éducatives
(46)

"Pour répondre à l'ensemble de ses missions, l'éducation doit s'organiser autour de quatre apprentissages fondamentaux qui, tout au long de la vie, seront en quelque sorte pour chaque individu les piliers de la connaissance: apprendre à connaître, c'est-à-dire acquérir les instruments de la compréhension; apprendre à faire, pour pouvoir agir sur son environnement; apprendre à vivre ensemble, afin de participer et de coopérer avec les autres à toutes les activités humaines; enfin, apprendre à être, cheminement essentiel qui participe des trois précédents. Bien entendu, ces quatre voies du savoir n'en font qu'une, car il existe entre elles de multiples points de contact, de recoupement et d'échange.

Mais, en règle générale, l'enseignement formel s'oriente essentiellement, si ce n'est exclusivement, vers l'apprendre à connaître et, dans une moindre mesure, l'apprendre à faire. Les deux autres apprentissages dépendent le plus souvent de circonstances aléatoires, quand on ne les tient pas pour un prolongement en quelque sorte naturel des deux premiers. Or, la Commission estime que chacun des quatre "piliers de la connaissance" doit faire l'objet d'une attention égale dans tout enseignement structuré, afin que l'éducation apparaisse comme une expérience globale et poursuivie tout au long de la vie, sur le plan cognitif comme celui de la pratique, pour le sujet en tant que personne et que membre de la société.

Dès le début de leurs travaux, les membres de la Commission ont compris qu'il serait indispensable, pour répondre aux défis du prochain siècle, d'assigner des objectifs nouveaux à l'éducation, et donc de changer l'idée qu'on se fait de son utilité. Une nouvelle conception élargie de l'éducation devrait permettre à tout individu de découvrir, d'éveiller et de fortifier son potentiel créateur — de mettre à jour le trésor caché en chacun de nous. Cela suppose qu'on transcende une vision purement instrumentale de l'éducation, considérée comme la voie obligée pour obtenir certains résultats (savoir faire, acquisition de capacités diverses, fins d'ordre économique), pour en considérer la fonction dans sa plénitude: l'accomplissement de la personne qui, toute entière, apprend à être."


Annexe

  1. Nous ne nous intéressons ici qu’au droit international des droits de l’homme de l’ONU. Par ailleurs, d’autres instruments régionaux font également mention du droit à l’éducation : l’article 49 de la Charte de l’Organisation des États américains (1948) et l’article 47 du Protocole de Buenos Aires (1967) ; l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’amendé par le Protocole N° 11 (1952) ; l’article 17 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1982) ; l’article 11 de la Charte africaine des droits de l’enfant (1990). Voir aussi : José L. Gomez del Prado (1998). "Analyse comparative du droit à l'éducation tel que consacré par les articles 13 et 14 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et par les dispositions figurant dans d'autres traités universels et régionaux, et des mécanismes établis, le cas échéant, pour suivre la réalisation de ce droit". HCDHNU, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dix-neuvième session, E/C.12/1998/23. Pour une analyse comparée des instruments internationaux et régionaux en matière de droit à l’éducation, voir : Nations Unies, Conseil économique et social, E/C.12/1998/23. Document de base présenté par J.L. del Prado.


  2. Article 26 de la DUDH :
    1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
    2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
    3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.


  3. Article 13 du Pacte :
    1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
    2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit:
    a) L'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;
    b) L'enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l'enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;
    c) L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;
    d) L'éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme;
    e) Il faut poursuivre activement le développement d'un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant.
    3. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'Etat en matière d'éducation, et de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.
    4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l'éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l'Etat.


  4. Article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant :
    1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances :
    a) Ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous;
    b) Ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin;
    c) Ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés;
    d) Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation scolaires et professionnelles;
    e) Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et la réduction des taux d'abandon scolaire.
    2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention.
    3. Les Etats parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l'ignorance et l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l'accès aux connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. A cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement.


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