UN OBSERVATOIRE DE L'ÉDUCATION POUR QUOI FAIRE?

Communication présentée par Ramdane BABADJI de l’EIP, à l’occasion du séminaire conjoint BIE-EIP, Genève, 18-20 octobre 2000.


1. Observatoire : le mot et la chose

Il y a souvent une dissociation entre le mot et la chose. C’est le cas à propos du mot " observatoire ". Bien qu’il n’y ait pas de définition académique des fonctions que l’on attend des observatoires qui agissent dans le domaine qui est le nôtre ou dans des domaines qui lui soient apparentés, on peut constater que bien des organisations s’en acquittent sans en porter le nom.

C’est le cas évidemment de bien des organisations intergouvernementales qui, pour mener à bien les missions que leur ont confiées leurs fondateurs, les Etats, s’acquittent, bien ou mal importe peu, des missions qui sont celles d’un observatoire : collecte et synthèse de l’information en vue soit de mieux informer leur décision soit de la fournir à leurs partenaires.

C’est le cas également de nombreuses organisations non-gouvernementales qui ne portent pas nécessairement le nom d’observatoire. On peut prendre pour exemple celui d’Amnesty International dont le rapport annuel est la somme synthétisée des observations qu’elle a accumulées sur l’état des droits de l’homme dans le monde. Et plus près de nous, l’ONG EIP est également à sa manière un observatoire dans le domaine qu’elle s’est donné. C’est à partir d’une fonction d’observatoire qui ne figure pas dans son label qu’elle poursuit la mission qu’elle s’est donnée depuis sa fondation. Et donc, au-delà des mots, c’est la construction de l’objet qui est l’opération la plus importante dans la mise en place d’un observatoire.

 

2. Observer quoi ?

Le mot " observatoire " quel que soit le domaine auquel il s’applique évoque tout de suite un certain nombre de fonctions qui font intervenir un aller-retour dialectique et permanent entre un objet théoriquement construit et le terrain des faits. Sans vouloir être exhaustif, ces fonctions sont les suivantes collecte de l’information, analyse de cette information, élaboration d’instruments d’analyse du domaine considéré, diffusion de l’information aux personnes et institutions les mieux à même d’en tirer profit. Mais dans tous les cas, on ne collecte pas de l’information pour collecter de l’information ; cette collecte n’a de sens qu’en fonction d’une finalité préalablement définie et d’outils conceptuels qui permettent d’appréhender le réel que l’on se donne pour ambition de cerner.

Dans le domaine qui nous intéresse, et en schématisant à l’extrême, c’est-à-dire en allant à l’essentiel, il est possible de réduire l’éducation aux trois éléments fondamentaux qui sont les suivants :

  • des élèves et des enseignants ;
  • des enseignements que dispensent les seconds aux premiers en vue de les former et,
  • des méthodes pédagogiques, c’est-à-dire les moyens et outils utilisés pour réaliser cette transmission de connaissances et donc, pour rendre cette formation possible..

Il ne s’agit, de toute évidence, que d’un schéma qui ne rend pas compte de toute la complexité de l’éducation notamment du fait que les éléments en question, loin d’être dissociés, interagissent en fonction d’un contexte économique, culturel, politique, culturel et social donné. Cette démarche est néanmoins nécessaire en vue de réfléchir sur l’objet qui nous réunit et, partant, en vue de circonscrire les missions qui devraient être celles de l’observatoire projeté. Elle permet de distinguer au sein du vaste champ de l’éducation ce qui relève du quantitatif (qui ? ; combien ? quel budget ? etc) du qualitatif (quelles formations ?, en vue de quelles finalités ?, etc).

L’observatoire projeté n’a pas vocation à s’ajouter ni à concurrencer les institutions existantes, qui sans en porter le nom, jouent le rôle attendu d’un observatoire. C’est le cas de nombreuses organisations intergouvernementales qui ont l’éducation pour champ que ce soit à titre principal ou à titre accessoire. On pense notamment à l’UNESCO, au BIE, à l’UNICEF, au PNUD, à l’OCDE etc ; et ce, sans évoquer les organisations non gouvernementales qui interviennent dans ce domaine.

Que ces institutions divergent quant aux méthodes et instruments utilisés pour remplir leur mission importe peu pour l’objet du propos. Le croisement des données qu’elles publient permet d’avoir une certaine idée de l’état de l’éducation dans le monde. Mais l’on remarquera que, toutes, elles se limitent au quantitatif qui peut être rendu par des données chiffrées plus ou moins sophistiquées : taux de scolarisation, équipement, budgets, etc. Partant de là, se dégage le champ qui peut être imparti à celui dont nous projetons la création. Ce ne peut être que celui du qualitatif évoqué plus haut. Ce n’est qu’a partir de là que peut être entamée la réflexion sur la décomposition de ce champ en unités cohérentes et sur les méthodes à mettre en œuvre.

 

3. Observer pourquoi ?

Un observatoire n’a de sens que s’il va au-delà de l’observation stricto sensu des phénomènes qui nous préoccupent ; un peu à la manière du caractère contemplatif que prend la retraite d’un ermite dans le désert ou dans une grotte. Les fonctions qu’il est destiné à avoir n’ont de sens que si elles visent à mieux connaître la réalité en vue de la transformer.

C’est donc observer pour mieux s’informer et mieux informer. Il restera évidemment à définir à qui cette information est destinée.

C’est aussi observer pour agir sur la décision politique dans le sens qui est celui de notre ou nos organisations mais à partir d’un corpus de référence qui est donné par les règles du droit international qui régissent l’éducation. Cela revient à attirer l’attention sur les pratiques qui ont cours en ce qu’elles ont d’incompatible avec ce corpus de référence.

 

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