Présentation de la théorie de Dworkin

Une question de principe, I, IV, trad. A. Guillain, PUF, Recherches politiques, p. 135-138.

L'auteur recherche une théorie opératoire de la DC en faisant jouer les critères d'intérêt pour l'État et la nature des motifs invoqués.

Il questionne le rôle des convictions politiques dans les décisions prises au sujet des lois et de leur application. Selon lui, même si ces convictions sont d'un autre ordre que juridique, elle doivent être prises en compte. Y a-t-il de "justifications universellement acceptables" qui permettraient de trouver des consensus même quand les convictions sont antagonistes?

DC caractère distinctif de notre vie politique: pouvoir manifester son désaccord sur des questions graves de morale collective, ce sur quoi tout le monde serait d'accord. Cependant, dans les situations concrètes, tout le monde ne tombe pas forcément d'accord pour condamner la loi. Il faut donc trouver une théorie qui emporte l'assentiment de tous sans chercher à savoir qui a tort ou raison, mais en questionnant le style de conviction. Cette théorie devrait permettre d'élaborer des réponses invariables quelles que soient les circonstances.

Interprétation de la nature du droit: soit la loi est ce qu'en disent les juges (la DC rendue illégale par un tribunal), soit elle va au delà de ce qu'en disent les tribunaux (si une constitution cautionne des infractions au nom du respect de justification universelles). Il s'accorde avec cette 2ème conception sans jouer sur distinction légalité légitimité.

Les partisans de la DC ne remettent pas en cause le gouvernement dont ils acceptent la légitimité, ils n'œuvrent pas à une rupture radicale ni à une refonte de la Constitution, ils le font pour accomplir leur rôle de citoyen en faisant respecter un principe du gouvernement. Ceci ne dit rien du droit de la personne à désobéir ni du droit de l'État à punir.

Il distingue trois sortes de désobéissances: fondée sur la conscience morale, sur le sentiment d'injustice ou, au nom de l'intérêt général. Les deux premières sont fondées sur des convictions de certains principes, la troisième engage des jugements pragmatiques. Selon le motif invoqué la DC se heurte à plus ou moins de restrictions.

La DC fondée sur la conscience morale ne rencontre qu'une restriction: ne pas tuer ni blesser des innocents. L'individu agit dans l'urgence sans comparer le mal évité au mal fait. (assister un esclave; refuser une guerre, objecteur de conscience).

La DC fondée sur le sentiment d'injustice (oppression d'une majorité par une minorité) obéit à des restrictions plus importantes: il faut avoir épuisé tous les recours existants dans la constitution pour éviter de tomber à son tour sous l'accusation d'injustice. Dworkin ne précise pas que cette restriction ne vaut qu'à condition que la loi soit définie selon une norme acceptée par tous (noirs qui enfreignent la loi en allant dans les lieux réservés aux blancs: personne n'a le devoir de revendiquer des privilèges; manifestations contre la guerre du Vietnam).

Fondée sur le bien commun (ou justifiée d'un point de vue pragmatique), la DC ne peut s'abstraire de la règle de la majorité admise par la plupart. Une minorité ne peut justifier la DC que si elle adopte une stratégie de persuasion pour démontrer à la majorité que son acte ne rejette pas la règle, mais elle demande que soient entendus et examinés ses arguments. La loi est considérée comme stupide et dangereuse, voir tragique pour tout le monde (implantation de centrales nucléaires). Il ne s'agit pas de convaincre la majorité (qui opprime) de respecter un principe de justice, mais de la ramener à la raison.

Pour atteindre un "consensus approximatif", Dworkin propose que ceux de la majorité se demande ce qu'il ferait s'ils partageaient les convictions de la minorité et, que ceux de la minorité s'interrogent sur ce qu'ils feraient s'ils étaient majoritaires.

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