D’où vient la Déclaration universelle des droits de l’homme?

Tiré de Éduquer aux droits humains Repères et mise en situation, No1 Collection Dossiers pédagogiques, École instrument de paix

À la Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale tenue à San Francisco en 1945, les représentants de Cuba, du Mexique et du Panama avaient proposé l’adoption d’une déclaration des droits de l’homme fondamentaux. Mais la Conférence n’avait pas pu donner suite à cette proposition au motif qu’elle ne disposait pas du temps nécessaire pour l’étudier en détail.

En 1946, lors de la partie initiale de la première session de l’Assemblée générale, tenue à Londres, le représentant du Panama a présenté alors un projet de déclaration sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales et a demandé l’inscription de ce point à l’ordre du jour. Plus tard, dans la même année, l’Assemblée a décidé de renvoyer le projet de déclaration au Conseil économique et social pour que la Commission des droits de l’homme l’examine.

À sa deuxième session, tenue à Genève, en décembre 1947, la Commission des droits de l’homme a décidé que l’expression "charte internationale des droits de l’homme" devrait s’appliquer à l’ensemble des documents en préparation, à savoir une déclaration sur les droits de l’homme, une convention ou un pacte sur les droits de l’homme et les mesures d’application.

Du 24 mai au 15 juin 1948, la Commission a révisé la projet de déclaration en tenant compte des observations des gouvernements. Elle n’a pas eu le temps, toutefois, d’étudier le projet de pactes ou les mesures d’application. Seul le projet de déclaration a donc été soumis, par l’intermédiaire du Conseil économique et social.

Le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale adoptait la Déclaration universelle des droits de l’homme et la proclamait comme "l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations". 48 pays l’adoptèrent* et 8 s’abstinrent**.

L’adoption de la DUDH ne fut pas applaudie de tous, y compris même d’États qui avaient voté en sa faveur. Le débat opposant les droits civils et politiques aux droits socio-économiques et sociaux préfigurait déjà l’opposition par la suite devenue plus acrimonieuse entre l’Est et l’Ouest jusqu’à la fin des années 80. La portée juridique de la Déclaration fut également l’objet de discussions. Des spécialistes du droit international, dont bon nombre souscrivaient aux objectifs de la Déclaration, furent réticents à affirmer qu’elle devait lier les États, mais cherchèrent néanmoins des moyens de renforcer sa valeur juridique.

* Afghanistan, Argentine, Australie, Belgique, Birmanie, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Costa Rica, Cuba, Danemark, Égypte, El Salvador, Equateur, États-Unis d’Amérique, Éthiopie, France, Grèce, Guatemala, Haïti, Inde, Irak, Iran, Islande, Liban, Libéria, Luxembourg, Mexique, Nicaragua, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Panama, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Philippines, République dominicaine, Royaume-Uni, Thaïlande, Suède, Syrie, Turquie, Uruguay, Vénézuéla.

** Afrique du Sud, Biélorussie, Tchécoslovaquie, Pologne, Arabie saoudite, Ukraine, URSS, Yougoslavie.

Les droits contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme sont des droits reconnus à toute personne humaine. L’importance de cette Déclaration, fondation du droit international des droits de l’homme, lui donne même le poids d’une coutume internationale.

ONU. Activités de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme, New York, 1986.

ONU: Droits de l’homme, Fiche d’information n° 2, Charte internationale des droits de l’homme, Genève, 1988.

Stephen J. Toope, Déclaration universelle des droits de l’homme: origine, statut et portée, Fondation canadienne des droits humains, novembre 1988. ONU. Official Records of the General Assembly, 1945-1948.

Avant de conduire des activités de formation dans le domaine de l’éducation aux droits humains, il convient d’abord de se doter d’une grille de lecture des instruments internationaux relatifs aux droit international des droits de l’homme. Cet exercice peut être utile pour tracer le cadre des interventions pédagogiques ultérieures; il propose une lecture en trois dimensions:

a) se situer dans le contexte de l’époque où fut élaborée et adoptée la DUDH;

b) comprendre l'architecture de cette déclaration;

c) pouvoir identifier les catégories de droits qu’elle contient.

"La Déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée en 1948 comme une simple résolution de l’Assemblée générale; elle n’avait pas, pour cette raison, de valeur juridique et elle n’était pas censée lier les États. Elle a cependant été invoquée si souvent à l’ONU, en dehors et même à l’intérieur de l’Assemblée générale pour interpréter la Charte, qu’on peut affirmer -et je fais partie de ceux qui pensent ainsi- que la Déclaration lie les États, parce qu’elle fait partie maintenant du droit coutumier des nations, les coutumes étant une source de droit".

Propos de John Humphrey, premier Directeur de la Division des droits de l’homme à l’ONU. In: magazine Justice, décembre 1986, volume V, numéro 8, p. 16. Tous droits réservés. (Bibliothèque nationale du Québec, ISSN 0707-8501) www.biblinat.gouv.qc.ca


L’architecture de la DUDH

"La Déclaration universelle a été comparée au vaste portique d’un temple, dont le parvis est formé par le Préambule affirmant l’unité de la famille humaine et dont le soubassement, les assises, sont constitués par les principes généraux de liberté, d’égalité, de non-discrimination et de fraternité dans les articles 1 et 2.

"Quatre colonnes d’importance égale soutiennent le portique.

"La première est celle des droits et libertés d’ordre personnel (articles 3 à 11 inclus).

"La seconde concerne les droits de l’individu dans ses rapports avec les gouvernements dont il fait partie et les choses du monde extérieur (articles 12 à 17 inclus).

"Le troisième pilier est celui des facultés spirituelles, des libertés publiques et des droits politiques fondamentaux (articles 18 à 22).

"Le quatrième pilier, symétrique du premier, dont le caractère est entièrement neuf sur le plan international et dont la puissance ne le cède en rien à celle des autres, est celui des droits économiques, sociaux et culturels (articles 22 à 27 inclus).

"Sur ces quatre colonnes, il fallait poser un fronton marquant les liens entre l’individu et la société. Les articles 28 à 30* affirment la nécessité d’un ordre social international tel que les droits et libertés de la personne puissent y trouver leur plein effet.

"Ainsi la Déclaration marque-t-elle un élan continu de l’individuel vers le social.

"(...)

"Ce monument, inspiré par un idéalisme pratique, repose sur l’unité de la famille humaine et fournit, malgré ses inévitables imperfections, la base d’une nouvelle éthique sans laquelle la société universelle ne pourrait s’organiser sur les plans moral, politique, juridique et même économique".

"Oui,

cette Déclaration est universelle. Elle ne reconnaît aucune frontière, et chaque société peut trouver au sein de son propre système et de sa propre culture le moyen de la mettre en oeuvre. [...]...on entend souvent dire que les droits de l’homme ne seraient pas un concept africain, asiatique ou latino-américain. Mais ce sont les leaders qui affirment cela. Pas les peuples. Les gens savent bien, eux, que les droits énoncés par cette Déclaration sont essentiels, intrinsèques à la personne humaine, qu’ils n’ont pas de frontières. Si vous parlez aux gens, ils comprennent que ce sont leurs droits essentiels.[...]".

Kofi Annan

Secrétaire général des Nations Unies

Propos tirés d’une interview accordée au Nouvel Observateur, N° 1778, 3-10 décembre 1998, p. 25.

Tous droits réservés.

 

* Fait important à noter et qui renvoie explicitement aux notions de protection des droits humains et de la sécurité de la personne, l’article 30 déclare qu’aucun État, gouvernement ou individu ne peut prétendre tirer de la Déclaration un droit quelconque "de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés". (In: ONU, Droits de l’homme, Fiche d’information n° 2, Genève, 1988, p. 8). Voir aussi: le projet de déclaration de l’ONU (1998) sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, notamment le préambule de cette déclaration où il est souligné "que la responsabilité première et le devoir de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales reviennent à l’État".

source: ONU, E/CN.4/1998/98, page 18.

"Le prix Nobel de la paix fut attribué en 1968 à René Cassin; en raison de ses travaux en tant que vice-président de la Commission de l’ONU qui, en 1948, publia la Déclaration universelle des droits de l’homme et parce qu’au cours des vingt dernières années il n’a cessé d’oeuvrer au respect des droits humains sur le plan mondial et sur le plan européen".

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