Les représentations

Par Véronique Truchot*

*Tiré de l'article "Les élèves en tant qu'acteurs: simulacre de démocratie ou véritable participation" In Nouvelles politiques éducatives, Thématique n°6, Centre international de formation à l'enseignement des droits de l'homme et à la paix (CIFEDHOP), juin 1998.

 

Notre propos s’inscrit dans une perspective qui place les représentations au cœur de toute activité humaine: l'homme se construit en construisant le monde. Liées aux croyances et aux valeurs, les représentations se situent à l'interface du psychologique et du social, de l'individuel et du collectif. Elles agissent comme des "grilles de lecture" et des "guides d'action" des systèmes d'interprétation de la réalité. Elles opèrent comme des systèmes de "référents mentaux" qui permettent de comprendre le monde et interviennent autant dans nos rapports aux autres et au monde, que dans les processus de transmission et d'acquisition de connaissances, elles permettent un accès au sens.

Proposée par Serge Moscovici (1961), le concept de représentations sociales s'avère utile pour étudier les processus interactionnels multiples. Au carrefour de concepts sociologiques et psychologiques, et dans la mouvance des travaux des psychologues sociaux, les représentations apportent un éclairage intéressant sur le lien entre la connaissance et la pratique sociale. Herrera nous rappelle que, selon Moscovici (1976), "toute représentation sociale peut être considérée comme une modalité de connaissance ayant pour fonction d'orienter les comportements et de permettre la communication entre individus" (Herrera, 1996, p. 103).

La définition que donne Denise Jodelet des représentations montre à quel point le "social" est à l'origine même de toute représentation: "forme de connaissance socialement élaborée et partagée [...] concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social" (Jodelet, 1991 p. 51). Il s'agit donc d'un champ qui recouvre tant les savoirs communs partagés par des ensembles sociaux que l'ancrage de ces savoirs dans le monde symbolique des individus dans leurs diverses insertions, soient-elles sociales, culturelles ou nationales. Les représentations sociales, nous dit Abric (1994), portent nécessairement sur des objets sociaux, les travaux sur les systèmes représentationnels ne devraient donc pas porter sur un objet isolé, mais sur différents aspects de cette sphère.

Le champ des représentations sociales, qui investit depuis trois décennies les sciences humaines (sciences de l'éducation, de la santé, de l'environnement, sociologie, économie, etc.) est, pour plusieurs chercheurs, devenu central pour toute étude des interactions entre les individus, les groupes et les institutions. Mais la diversité des approches et des méthodes utilisées pour aborder les représentations selon les champs disciplinaires, en a longtemps fait un concept "valise". Le pluralisme théorique des représentations sociales et la multiplicité des champs disciplinaires qui s'y sont intéressés, dont Doise (1989) a fait un inventaire, nous laisse facilement imaginer la complexité d'une théorisation qui transcende les différentes disciplines. S'il existe plusieurs écoles de pensée, elles s'entendent au moins sur un point que nous rappelle Rouquette (1997): pour qu'il y ait représentation sociale, il y a nécessairement héritage et altérité.

 


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