L'Afrique, un défi pour l'éducation à la paix
Par Saliou Sarr
A/ L'éducation à la paix en Afrique, pourquoi?
B/- L'éducation à la paix en Afrique: quels objectifs, quelles compétences à acquérir, quel contenu?
C/ L'éducation à la paix, quelle cible? Comment?
Conclusion
Références bibliographiques
Au moment où l'on entre dans un nouveau millénaire, le sort de l'Afrique demeure préoccupant. En effet il ne se passe pas de jour où la télévision, la radio, les journaux ne se font les échos de la violence sous une forme ou sous une autre: conflits armés, violence résultant de l'extrême pauvreté, des maladies, de l'ignorance et de la dégradation poussée de l'environnement etc.
Autant de maux qui freinent le développement économique et social de l'Afrique et alimentent l'Afro Pessimisme outre atlantique.
Pour renverser cette tendance et recréer les bases d'une Afrique stable, plus tolérante, plus solidaire l'éducation à la paix apparaît comme un moyen incontournable et le rôle des jeunes dans l'édification de cette paix, je veux dire dans la promotion de la culture de paix (PAX AFRICANA ) est fondamental.
A/ L'éducation à la paix en Afrique, pourquoi ?
Point n'est besoin de s'appesantir longuement sur la situation de violence qui prévaut en Afrique et qui s'est installée depuis des décennies dans certaines zones de façon quasi permanente: conflits armés engendrés par l'intolérance, l'appétit du pouvoir, avec son cortège de personnes déplacées et de réfugiés qui vivent une situation de désolation extrême dans des camps de fortune ou dans des villes fantômes. De plus l'Afrique qui croule sous le poids de la dette est confrontée à des problèmes graves de chômage, de misère, engendrés souvent par les inégalités sociales criantes, par l'analphabétisme d'une frange importante de ses populations, par des maladies comme le sida, le paludisme, qui font des ravages dans la population active et moins jeune; la famine à certains endroits, s'est installé en raison des guerres civiles interminables, et de la dégradation poussée de l'environnement; des situations qui sont sources de troubles sociaux, de violence etc. L'école aussi parce qu'elle est un prolongement de la société reproduit ses inégalités, ses conflits de valeurs et ce, souvent entre acteurs de l'éducation à l'école; de plus l'éducation telle qu'elle est dispensée aujourd'hui à pour effet de diviser les hommes au lieu de les unir, l'accent est mis sur la compétition, les performances et l'élitisme tend à glorifier l'individualisme au détriment de la coopération et la solidarité; c'est pourquoi la devise de l'EIP " désarmer l'esprit pour désarmer la main" reflète bien le rôle que l'école doit jouer pour assurer l'éducation à la paix.. En outre l'histoire qui y est enseignée est souvent jalonnée d'épisodes guerriers et insiste sur les préjugés, les stéréotypes.
Au total, cette situation de violence psychologique qui se manifeste dans les relations interpersonnelles à l'école comme dans la société, cette violence physique avec les guerres ainsi que la violence structurelle décrite plus haut, nous enseignent que la paix ne se limite pas au silence des armes, qu'elle n'est pas seulement la simple absence de guerre.
Elle doit être positive fondée sur le respect des droits de l'homme (égalité, justice, équité), sur la démocratie, le respect de l'environnement et apparaît comme inséparable du développement économique et social. La paix est globale, holistique fondée sur l'interdépendance des états, des peuples, car la paix intérieure des états, la paix sous régionale, internationale, la paix intérieure et relationnelle sont liées. Il ne peut y avoir de paix véritable sur le plan personnel si l'on sait que la misère et la violence règnent sur le plan social ou que la nature nous menace de destruction parce que nous la détruisons . On peut donc avancer que la paix est en même temps un état d'esprit intérieur résultant d'une harmonie personnelle, un état d'harmonie sociale résultant d'une aptitude à la solution pacifique des conflits, la concorde entre états et une harmonie avec la nature.
Aujourd'hui plus qu'hier, la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la justice, la démocratie sont devenues des aspirations de plus en plus pressantes des populations essentiellement les jeunes .
Dès lors, l'éducation à la paix apparaît comme une nécessité pour instrumenter les hommes et leur permettre de vivre en harmonie avec lui-même, avec leurs semblables et avec la nature et conjurer ainsi la violence. L'éducation à la paix est donc capitale pour prévenir les conflits, l'intolérance car elle élargit les possibilités de choix des individus et leur donne les moyens de résoudre pacifiquement et démocratiquement les conflits; répandre la culture de paix est devenue une obligation pour chacun et pour tous en vue d'un développement économique et social de l'Afrique.
B/- L'éducation à la paix en Afrique: quels objectifs, quelles compétences à acquérir, quel contenu ?
Pour prévenir les guerres qui font rage en Afrique et promouvoir une société plus juste, lutter contre les problèmes écologiques et la dégradation de l'environnement, l'éducation reste le pivot essentiel; l'éducation à la paix est un moyen incontournable pour acquérir de nouvelles connaissances en matière de paix, de droits humains, de démocratie, et adopter de nouveaux comportements et de nouvelles attitudes; il s'agira de nourrir un esprit de paix partout dans tous les secteurs de la vie sociale pour créer les conditions d'une vie meilleure et plus harmonieuse. En somme, il s'agira de répandre la culture de paix, valeurs, attitudes, comportements individuels et collectifs qui fondent et incarnent l'esprit de paix. C'est l'ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions, des comportements et les modes de vie fondés notamment sur le respect de la vie, le rejet de la violence et la volonté de promouvoir et de pratiquer la non violence à travers l'éducation, le dialogue et la coopération; l'engagement de régler pacifiquement les conflits; le respect de la promotion du droit au développement ainsi que l'égalité des droits et des chances pour les femmes et pour les hommes et des doits de chacun à la liberté d'expression, d'opinion et d'information, l'adhésion aux principes de liberté, de justice, de démocratie, de tolérance, de solidarité, de coopération, du pluralisme, de la diversité culturelle, du dialogue et de la compréhension à tous les niveaux de la société et entre la nations.
Le respect des droits de l'homme et la paix demeurent l'objectif de toute éducation (article 29 Convention relative aux droits de l'enfant, article 26 Déclaration universelle des droits de l'homme) et l'éducation à la paix est en conséquence une composante essentielle d'une éducation de base de qualité comme l'ont réaffirmé les différents fora sur l'éducation.
La conférence de Jomtien en 1990 appelait à une éducation qui donne à chacun les moyens d'agir pour promouvoir la justice sociale, défendre les droits de l'homme et uvrer pour la paix et la sécurité dans un monde interdépendant, le forum de Dakar en avril dernier a réaffirmé cette volonté avec force. La construction d'une culture de paix est l'objectif premier de l'UNESCO et elle fait de l'éducation le moyen privilégié d'atteindre la paix et son préambule l'exprime clairement "les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix". En outre sa Recommandation de 1974 sur l'éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationale, et l'éducation relative aux droits de l'homme et des libertés fondamentales en indique les principes directeurs. L'ECOLE INSTRUMENT DE PAIX depuis sa création en 1967, essai de faire de l'école un instrument de paix et sa devise traduit bien le rôle fondamental assigné à l'éducation " désarmer l'esprit pour désarmer la main".; l'objectif visé est de: "défendre le droit à l'éducation et promouvoir l'éducation aux droits humains et à la paix, notamment par la résolution non violente des conflits et la lutte contre toute forme d'inégalités et d'injustices sources de ruptures et d'exclusion". Cette éducation doit:
L'éducation à la paix se définit comme l'acquisition de connaissances, d'aptitudes, d'attitudes et de valeurs nécessaires pour prévenir la violence et les conflits aussi bien ouverts que structurels, résoudre les différents pacifiquement et asseoir une paix sur le plan intra personnel, interpersonnel, intergroupes, national ou international. Elle repose d'abord sur un engagement profond des individus pour la justice, la démocratie et le respect des droits de l'homme et se traduisent par un comportement éthique avec les axes suivants:
L'éducation à la paix à pour but de développer le sens des valeurs universelles et les types de comportements sur lesquels se fondent une culture de paix. Plus spécifiquement, elle vise la compréhension de la nature des conflits, les causes et les conséquences de la violence, la prise de conscience des droits et responsabilités de chacun et l'acquisition de compétences pour résoudre pacifiquement les conflits.
Cette éducation à la paix devra développer les compétences suivantes:
-développer l'estime de soi, l'affirmation de soi;
-faire valoir son opinion dans le groupe;
-assumer ses responsabilités;
-apprécier les valeurs de libertés, de justice, de démocratie et agir pour leur respect;
-respecter les règles de vie;
-savoir reconnaître et accepter les différences;
-reconnaître et accepter les valeurs requises pour la vie en commun (démocratie, citoyenneté);
-apprendre à partager ensemble des objectifs de vie;
-établir avec autrui des relations constructives;
-identifier des convergences culturelles entre deux groupes ethniques;
-développer un sentiment d'appartenance à sa communauté de proximité;
-développer une pensée critique, communiquer, partager;
-comprendre la nature des conflits, les causes et les conséquences;
-résoudre pacifiquement les conflits;
-réaliser des projets collectifs avec des personnes de cultures différentes;
-participer aux décisions dans un groupe;
-prendre conscience de ses droits et responsabilités en tant que citoyen;
-s'ouvrir aux changements, modifier son jugement et ses opinions;
L'éducation à la paix, dés lors comprend plusieurs dimensions:
L'étude des conflits, les causes, conséquences, la prévention des conflits, la résolution des conflits
L'éducation à la tolérance: outre la recherche des sources culturelles, sociales, économiques et religieuses qui expliquent la violence et l'exclusion, l'éducation à la tolérance insiste sur la culture de chaque groupe, de son identité (éducation multiculturelle avec la connaissance des peuples africains), mais aussi ce que les peuples ont de commun (éducation interculturelle) et promouvoir la solidarité, la coopération entre groupes par la réalisation de projets communs, d'entreprises collectives, une façon de prévenir les conflits. L'apprentissage des droits culturels dont il s'agit est un processus qui exige une ouverture à l'autre, le respect et la compréhension de la règle du droit et aussi de l'interdit en tant que frontière marquant la différence entre le débat démocratique et l'agression verbale, l'écoute et le rejet; c'est une véritable éducation au vivre-ensemble.
L'éducation aux droits humains: le respect des droits humains est à la base de la tolérance et conditionne la paix; faire en sorte que chacun connaisse ses droits, ses devoirs et accepte cette réciprocité chez autrui. Mais les droits humains ne doivent pas se réduire à une simple transmission de connaissances, d'opérations cognitives, à la suite desquelles les comportements, les attitudes et les valeurs qui les sous-tendent comme de soi; leur assimilation, leur intégration et leur application dans la vie de tous les jours supposent un long cheminement, une conscience claire de son identité et le développement d'attitudes et de comportements propres à cultiver la compréhension et le respect de ses semblables.
Eduquer à la paix c'est développer chez les jeunes des aptitudes pour comprendre et soutenir les droits humains et la démocratie comme celles citées plus haut; l'on étudiera la Charte internationale des droits de l'homme, la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, car ici il s'agira de changer les concepts, les valeurs, les opinions, en somme de transformer les valeurs correspondant à un monde que nous rejetons en celle d'un monde que nous préférons.
L'éducation à la démocratie: la démocratie est un ensemble de valeurs que chaque peuple peut s'approprier, transformer selon son génie propre, c'est une pratique; l'éducation à la démocratie est alors la formation à la prise de décision, à la participation, au respect de lautre, de ses droits; c'est initier une façon de vivre ensemble avec le respect de l'autre, avec un débat et une culture du dialogue.
L'éducation pour le développement: elle vise à développer un civisme global, à amener les élèves à participer activement à la construction de leur avenir; ainsi elle développe des compétences individuelles en vue d'un développement global de la société.
L'éducation à vocation internationale: c'est l'éducation, pour la compréhension, la coopération, la paix internationale et l'éducation pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales.
L'éducation pour l'environnement, local, mondial: ses composantes, la préservation, la protection.
Notre héritage culturel doit servir de vivier, de source pour cette éducatio, car il est riche, varié et fournit un contenu appréciable à l'éducation à la paix et, comme le fait remarquer un ancien d'un village de Mozambique, "on peut faire venir la culture de guerre par avion et l'aide humanitaire par camion mais on ne peut pas nous apporter la culture de paix, car c'est un arbre fermement enraciné dans notre terre". En d'autres termes la volonté d'une paix durable et son édification ne peut venir que de nous-mêmes.
D'abord, la paix n'est pas un concept étranger à la culture Africaine; elle se retrouve dans les salutations chez les Wolofs du Sénégal, les Mandingues de l'Ouest Africain "As -tu la paix, la paix seulement", elle signifie aussi la sérénité ( la paix du cur), la santé ( la paix du corps), l'entente (la paix familiale, sociale). Au Kenya elle est symbolisée par des objets:
-la corde symbole de la souplesse et de la force chez les Rendilles est fabriquée en tressant des fibres de sisal sauvage et des peaux d'animaux, des matériaux qui sont plus résistants ensemble; elle montre que les peuples différents peuvent vivre ensemble, que la diversité contribue à rendre une communauté plus forte et que le vies des uns et des autres sont liées comme les clans et la famille;
-le pot à lait (l'urup, un vase en forme d'entonnoir fait de sisal sauvage) chez les Rendilles pendant les cérémonies pour la paix, la prospérité et la sécurité;
- la ceinture de perles, chez les pokots; elle peut mettre fin à un combat.
La paix se trouve, dans l'équilibre d'un société saine, d'un environnement sain dans la plupart des sociétés Africaines; elle est exprimée dans les proverbes "un homme belliqueux n'est pas bon voisin", "qui n'a pas la paix errera", "c'est dans la paix que tout est possible" etc. elle se trouve dans les récits des griots.
L'héritage culturel africain révèle des valeurs éthiques communes à la plupart des sociétés africaines qui sont les bases d'une paix durable:
-la tolérance religieuse: la religion africaine est la plus tolérante des trois traditions religieuses en Afrique et tend à modérer les religions telles que l'Islam et le Christianisme, nous n'en voulons pour preuve que les syncrétismes religieux qui ont cours sur le continent. L'cuménisme religieux, est aussi un trait culturel important, c'est à dire la capacité d'aller au-delà de sa propre religion;
-la solidarité de groupe: les hommes ont devoirs et obligations à l'égard des groupes dans lesquels ils sont nés, en Afrique on se sent dans l'obligation de travailler pour le bien du groupe et non pour des intérêts individuels. Ce groupe constitue aussi un support social pour les personnes marginalisées ou en détresse (orphelins, veufs, handicapés, personnes du troisième âge). La solidarité Africaine est édifiée sur l'intérêt mutuel et reste l'expression de la responsabilité du groupe;
-l' hospitalité, la téranga: ce n'est pas une valeur exclusivement sénégalaise mais on peut dire qu'elle se manifeste dans ce pays sous une forme particulière, le terme utilisé pour la traduire indique bien plus le bon accueil fait à l'autre; au-delà de la simple assistance à une personne démunie, la téranga exprime: le plaisir de recevoir un hôte, quelles que soit sa condition et sa position sociale (et dans la pure tradition de téranga ne réserve -t-on pas le repas du convive inconnu), le désir de combler l'autre en lui offrant un bon lit, une bonne nourriture, des cadeaux, c'est un devoir pour tout sénégalais, tout étranger qui arrive dans une maison aux heures de repas, possède les mêmes droits que les autres membres de la famille;
-la vie associative: l'histoire nous a montré que les différentes ethnies africaines, une fois qu'elles vivaient ensemble, se voyaient contraintes d'encourager la camaraderie et de rechercher constamment un terrain d'entente, en cas de problème. Former des groupes de camaraderie, conclure des accords de paix et des liens fraternels et consanguins étaient autrefois des stratégies pour réduire les conflits et promouvoir la coexistence pacifique. À cause de l'importance du commerce, les sociétés Africaines avaient des règles protégeant le commerce et les commerçants;
-les règles relatives aux conflits et à leur résolution: les conflits et leurs résolutions étaient gérées suivant certaines règles: les armes mortelles prohibées pendant certains conflits opposant des personnes ayant des liens de parenté, il y avait des jours de trêve, des zones d'asile comme le baobab et les bois sacrés au Sénégal, les griots qui déclarait la guerre n'était pas tué; les vieillards, les femmes et les infirmes étaient épargnés, les prisonniers blesses étaient soignés par les femmes, les captifs de guerre étaient intégrés à la famille, les morts rendus à leur famille car dit-on après la mort il n'y a pas de haine. Dés lors, on peut dire qu'il y'a rencontre entre la tradition africaine et le droit international humanitaire;
-l 'échange de cadeaux: il constitue un élément important dans la consolidation des liens dans le groupe, entre les peuples et, la nature du cadeau symbolise le degré d'estime qu'on a pour le bénéficiaire; par exemple le "sac royal" chez les Bamilékés de l'ouest Cameroun, la kola chez les Ibos du Nigeria;
-la parenté à plaisanterie: appelé "kal" au Sénégal, ou "sanankouya" chez les mandingues, on la retrouve dans toutes les sociétés sahéliennes se manifeste par l'échange de quolibets, de plaisanteries entre deux ethnies, à l'intérieur d'une même ethnie, entre cousins, entre grands-parents et petit-fils dans la même famille; il confère des droits à celui qui l'utilise mais il a ses règles et ses limites. Il ouvre cependant de nombreuses opportunités de dialogue et de compréhension. On peut citer aussi la fraternité de case entre ceux qui ont partagé la case de l'homme (circoncision), car l'on considère qu'au-delà de l'expérience vécue en commun pendant les cérémonies initiatiques, les jeunes ont mélangé leur sang dans le même mortier et que ces liens sont plus durables que tous les autres; la cohabitation prolongée est considérée comme une véritable parenté au Sénégal;
-la perception et le traitement de la personne: A n'importe quel stade de la vie, l'individu reçoit un traitement qui témoigne du respect qui lui est dû, l'enfant, considéré sur le plan génésique comme un contre pouvoir à la mort, la femme, productrice d'aliments et reproductrice de vies bénéficie de certains privilèges, les vieillards révérés comme des forces spirituelles pouvant bénir ou maudire les personnes irrévérencieuses et ce respect était même étendu aux morts considérés comme faisant partie du continuum de l'espèce vivante. Verser du sang en conséquence était considéré comme un acte grave qui appelait à une cérémonie de purification;
.-les décisions par consensus: les Africains recherchent toujours par le dialogue et la négociation un consensus, un accord qui renforce la pacte social.
D'autres valeurs existent encore, qui sont des bases solides pour la démocratie et la paix, c'est l'engagement fondé sur la confiance et la confidence, le sens de l'honneur, la discrétion, la patience, l'humilité, le respect pour l'autorité, l'épargne collective etc.
Plusieurs disciplines sont porteuses de la paix, la géographie, la psychologie, la polémologie, la littérature, la sociologie, l'histoire etc. Cependant une histoire de la paix, revue pour ne plus inspirer la guerre mais la connaissance et la reconnaissance mutuelle des peuples.
A ce niveau il faut supprimer les clichés, les discriminations dans les manuels scolaires car ils reflètent notre manière de regarder le passé et de le valoriser pour le donner aux générations futures; il faut par conséquent apprendre à regarder avec esprit critique ce qui s'est passé. L'histoire doit nous permettre de reconnaître les valeurs éthiques Africaines, comme celles citées plus haut et d'extirper des récits de griots des valeurs, des principes qui puissent guider notre action, à ce niveau, on peut citer la charte de Kouroukanfouga, recueil de traditions orales adopté en 1236 dans l'empire du Mali et destiné à harmoniser la vie du grand ensemble Mandingue.
Cette charte qui comprend des dispositions comme: l'organisation de la société, la propriété, et la protection de l'environnement fait état de valeurs comme;
-le droit à la vie et à l'intégrité physique;
-l'éloge du travail et la lutte contre l'oisiveté, la paresse;
-le cousinage à plaisanterie, le totémisme;
-l'éducation des enfants, une tâche qui incombe à l'ensemble de la société;
-le respect des femmes;
-la vanité est signe de faiblesse;
-offrir l'hospitalité aux étrangers;
-protection de la brousse et de ses habitants pour le bonheur de tous etc.
C/ L'éducation à la paix, quelle cible? Comment?
L'éducation à la paix, compte tenu du contexte de violence doit s'adresser à toutes les composantes de la société, les femmes, les réfugiés, les personnes déplacées, les forces de l'ordre, les militaires qui doivent apprendre à préserver la paix et transformer un service militaire en service civil, les médias qui en diffusant la violence et la terreur donnent souvent des rapports sociaux une image conflictuelle; ils ont, on le sait, attisé la haine dans certains conflits interethniques. Mais elle doit surtout concerner les jeunes, adultes de demain, souvent plus aptes à engager le dialogue interculturel. Il s'agit de transmettre un art de vivre en paix qui devra se développer sur trois plans: l'homme (art de vivre en paix avec soi-même), la société (art de vivre en paix avec les autres), la nature (art de vivre en paix avec la nature ).
Cette éducation doit avoir cours dans tous les milieux sociaux, culturels et professionnels, sans exception, la famille, les associations et clubs de jeunes, les associations de femmes, les ONG, les mosquées, les églises, les casernes, l'école etc. Cette dernière structure parce qu'elle est aussi conçue pour intégrer les jeunes à la société doit jouer un rôle fondamental dans l'édification de la paix, être un instrument de paix, et c'est pourquoi jacques Mühlethaler, le fondateur de l'EIP a assigné à l'école une mission à travers les 6 principes universels d'éducation civique:
Aujourd'hui en Afrique, il est heureux de constater que ce sont les enfants de cultures différentes, d'origines différentes qui intègrent en même temps l'école; celle-ci doit s'efforcer de gommer les différences sociales et former à des attitudes de compréhension, de coopération, entre les cultures, les groupes, lutter contre les exclusions et résoudre les conflits.
L'approche culturelle qui part de notre héritage culturel et qui s'appuie sur les méthodes actives participatives et coopératives mettant les apprenants au cur de leur apprentissage et qui leur permettent de réaliser tout leur potentiel, nous semblent plus appropriées, plus aptes à vulgariser cette culture de paix c'est à dire à clarifier le valeurs, à développer les attitudes de compréhension et forger ces comportements individuels et collectifs qui fondent et incarnent l'esprit de paix.
L'Afrique a une tradition de paix et de conciliation. Elle a en effet élaboré plusieurs méthodes de résolution pacifique des conflits, on peut citer quelques exemples.
La palabre, usitée partout en Afrique est le symbole d'un art social d'exprimer et de régler pacifiquement les conflits; en effet elle vise à établir l'unité, l'harmonie et aboutit à une décision par consensus après de larges discussions. C'est que la société africaine qui est profondément communautaire, sait aussi favoriser l'expression d'opinions différentes qu'elle est capable de confronter de manière pacifique.
Les activités ludiques permettaient de régler les conflits au Cameroun et dans certains états ouest africains. En effet la compétition entre deux champions servait d'exutoire au combat; La mère des jumeaux pouvait arrêter une guerre, et le sacrifice rituel d'un animal permettait d'enterrer la hache de guerre.
Dans plusieurs pays africains avant la colonisation, les inter mariages scellaient les unions entre tribus ennemis et prévenaient les conflits.
Au Kenya, la ceinture de perles (le leketyo) d'une femme enceinte, lorsqu'elle est jetée au sol entre les deux combattants pouvaient mettre fin au combat.
L'Afrique possède des canaux traditionnels d'éducation utilisés encore dans les associations, à l'école pour enseigner les valeurs, intégrer les jeunes à la société.
Ce sont les proverbes, les contes, les dictons, le théâtre, les jeu de rôles, les jeux éducatifs et sports non compétitifs stimulant la coopération, les jeux de stratégies pour la paix etc.
Il faudra ajouter toutes les méthodes et les procédés de résolution non violente des conflits comme le programme de développement affectif et social, les procédés comme l'écoute active, la médiation, le compromis, la négociation, l'alternance, le partage, l'arbitrage etc.
La coopération constitue le noyau central de l'éducation à la paix particulièrement la pédagogie de la coopération car elle possède les caractéristiques qui conviennent tout à fait à l'éducation à la paix .
Les techniques interactives ou coopératives en particulier que cette pédagogie met en uvre favorisent la réalisation d'objectifs d'apprentissage qui touchent non seulement aux connaissances mais aux attitudes de l'éducation à la paix, elles encouragent les valeurs et les comportements propices à la résolution pacifique des conflits, à la paix. Elles se fondent sur la participation de apprenants, leur responsabilisation, le partage des rôles, des tâches et des ressources dans le groupe, la concertation, la collaboration en plaçant l'apprenant au cur de son apprentissage dans une dynamique de coopération, d'interdépendance positive, de complémentarité. Les apprenants se rendent compte qu'ils n'atteindront leurs objectifs collectifs que dans la mesure où chaque membre aura la possibilité de jouer son propre rôle; cette démarche rejoint celle des membres d'une communauté dont la coopération assure le bon fonctionnement de l'ensemble. Elle visent des objectifs sociaux au-delà des performances: les apprenants se respectent et respectent les autres, ils apprennent à évacuer les préjugés et à travailler avec des personnes différentes, apprennent à résoudre pacifiquement les conflits, développent la solidarité, l'entraide; ils arrivent à saisir des concepts complexes et deviennent plus soudés. Il est donc évident que la coopération à la réalisation d'objectifs partagés joue un rôle vital dans la résolution pacifique des conflits et l'édification d'une culture de paix.
A l'école comme dans le non formel, les méthodes participatives et coopératives seront mises en uvre dans le cadre d'approches interdisciplinaire et transdisciplinaire plus aptes à rendre le concept de paix, qui est une notion composite, holistique, qui transcende le cloisonnement des disciplines; car il faut comprendre d'abord, prendre conscience se représenter la paix, les situations de non-paix, prendre position, agir.
La méthode participative et coopérative doit se refléter dans l'organisation des écoles, des clubs et associations. Il faut alors une école démocratique, c'est à dire une école centrée sur l'enfant, branchée sur la réalité du quotidien, imprégnée des stratégies d'éducation à la coopération, interactive et fondée sur la collaboration. Ainsi elle sera à même de prévenir les conflits ou les résoudre de façon pacifique à l'école, d' amener les élèves à participer à la gestion de l'école, à réaliser des projets interculturels, des projets de solidarité pour les plus démunis et de protection de l'environnement et pour cela, il faut un dispositif permettant une participation effective des élèves, un véritable cadre pour l'apprentissage de la citoyenneté avec les axes suivants:
-un projet d'école énonçant clairement les valeurs de tolérance, de paix à promouvoir, une charte de droits et des responsabilités de tous les acteurs de l'éducation, institutionnaliser le conseil de coopération dans classes, re dynamiser le foyer socio-éducatif à travers ses clubs et associations, la coopérative scolaire à l'école élémentaire afin d'optimiser la participation des élèves.
Conclusion:
L'éducation à la paix est une nécessité en Afrique en raison des guerres, d'une paupérisation des masses source de conflits, de tensions. Elle doit être une dimension permanente de toute éducation et dans tous les milieux, la famille, les associations, les clubs, les milieux traditionnels, religieux, à l'école et s'adresser à toutes les composantes de la société surtout les jeunes. Il s'agira de construire la paix en puisant dans notre héritage culturel des principes comme l'équité, le dialogue, le respect des aînés, la recherche du consensus etc. Mais aussi en nous ouvrant aux apports féconds des autres cultures; tout cela s'appuyant sur des méthodes participatives, coopératives. C'est pourquoi, dans le but de faire de l'éducation à la paix une réalité en Afrique et installer une culture de la paix sur notre continent, l'EIP fait quelques recommandations à intégrer dans un plan d'action.
Références bibliographiques
A/Thématiques et Dossiers
-Vu d'Afrique, collection Perspectives régionales no1, no2, CIFEDHOP, Genève, suisse
-La culture démocratique, un défi pour les écoles, UNESCO, 1995, "cultivons la paix"
-Valeurs démocratiques et finalités éducatives: repères pour une pédagogie des droits de l'homme et de la paix, collection thématique, no4, juin 1996
-Eduquer aux droits humains: repères et mises en situation, collection, Dossiers pédagogiques, no 1, décembre 1998, Association mondiale pour l'école Instrument de Paix.
-La paix dans l'esprit des hommes, colloque de Yamoussoukro, Cote d'Ivoire, rapport final, 26 juin au 1er juillet 1989
-la tolérance, porte ouverte sur la paix, manuel éducatif, UNESCO
B/ Bulletins
-Source UNESCO no 120, février 2000, l'histoire à l'école au-delà des guerres
-Source UNESCO no 62, octobre 19994,la paix dans l'esprit des hommes
-Source UNESCO No 115, septembre 1999, cultivons la paix
-Edevnews, bulletin de l'éducation pour le développement (UNICEF ) no1, volume 8, novembre 1997; no 1, volume 9septembre 1998; no1, volume 10, aout,1999
-Réfugiés, no110, 1997; no111, 1998; no112, 1998; no117, 1999; no118, 2000
C/Recommandations et textes juridiques
-Déclaration Universelle des doits de l'homme, Paris, 1948
-Recommandation sur l'éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationale et l'éducation relative aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, UNESCO, Paris, 1974
-Manifeste de Séville, 16 Mai 1986, UNESCO
-Déclaration sur la race et les préjugés raciaux, UNESCO
-Convention internationale relative aux droits de l'enfant, 1989
-Déclaration sur les principes de tolérance, UNESCO
-Charte de Kouroukanfuga, Kankan, Guinée, 1998
-Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples
-Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
-Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et discrimination fondées sur la religion ou la conviction
-Déclaration et programme d'action pour une culture de la paix, UNESCO, adoptée par l'AG des NATIONS UNIES à sa 53ème session, le 13 septembre 1999