Le Concept de participation démocratique en milieu scolaire : réalités Sénégalaises et Africaines
Introduction :
Ce nest pas exagéré de dire que depuis quelques années souffle en Afrique un vent de démocratie même sil ya quelques reculs ça et là .Et cela sest traduit par le foisonnement de partis politiques, dassociations, dONG qui participent tous à la citoyenneté démocratique.
Ce qui est frappant cependant , cest comme si lécole est en déphasage avec la société, elle est en reste, et ne participe pas à ce bouillonnement démocratique ; Or lécole qui est une institution de la société si elle veut mener à bien sa mission que lui assigne la société, doit être démocratique, socialiser (former un être social, sociable et un citoyen).Elle devrait être un laboratoire didées, avoir au moins une longueur davance sur la société et lui imprimer un changement.
Cette mission de socialisation de lécole passe inévitablement par la pratique de la participation de tous les acteurs de léducation à quelque niveau quils se situent à lacte éducatif, y compris les parents délèves et cest un truisme de dire que la participation est au cur de léducation à la citoyenneté. De plus les objectifs de léducation que sont lépanouissement de la personnalité humaine et le respect de droits de lhomme (article 26 de la DUDH et larticle 28 de la CIDE )ne sauraient être atteints sans la participation de ceux là mêmes à qui léducation est destinée.
Mais que recouvre le concept de participation en milieu scolaire ?
Quelle est la réalité de cette participation au Sénégal et en Afrique ? En dautres termes comment se manifeste-elle ? Quelles sont les limites de cette participation ? quelles compétences doit elle mettre en uvre ?
I/ Le concept de participation démocratique en milieu scolaire :
Nous, nous souvenons tous avoir appris par cur, souvent sans rien comprendre, nous avons obéis tous à des règles, à des règlements intérieurs élaborés ailleurs sans nous, par dautres, le maître, le directeur ou le Ministère ( ce qui est encore vrai) ; ils ont souvent ont pris des décisions à notre place en classe, à lécole sans nous consulter. Et aujourdhui parce quon a décidé à notre place, on a fait sans nous parce que simplement nous navons pas participé à lacte éducatif ou " pas mis la main à la pâte ", il nous manque beaucoup de compétences procédurales. La participation est essentielle et comme dit ladage " cest en faisant que je comprend mieux et que je me réalise ".
De plus, même si en Afrique nous donnons la primauté au groupe, non sans valoriser lindividu, même si le respect que lenfant doit à ladulte est unilatéral il faut reconnaître que lenfant a sa place dans le groupe, il participe dans sa communauté. Des dictons, proverbes montrent que lenfant participe aux décisions :exemple : " un enfant qui a les mains propres sassied à la table des adultes ", " la vérité est comme une aiguille perdue dans une meule de foins, un adulte peut la retrouver comme un enfant ".
Le congrès de Montréal sur léducation aux droits humains et à la démocratie, organisé par lUNESCO du 8 au 11 mars affirmait dans son plan daction que le processus éducatif devrait être en soi démocratique et axé sur la participation, lapprentissage est un processus axé sur la participation.
Dailleurs comment est-il possible de former des personnalités autonomes dans le domaine moral si par ailleurs lindividu est soumis à une contrainte intellectuelle telle quil doive se borner à apprendre sur commande sans découvrir par lui-même. La participation est au cur du processus éducatif, dans toutes les activités denseignement apprentissage, en classe, dans les activités para et périscolaires, dans les structures mises en place à lécole. Elle est donc fondamentale pour développer lautonomie de lélève et le respect des droits de lhomme.
Le concept de participation démocratique en milieu scolaire peut-être définie comme un pouvoir reposant sur la possibilité de prendre part au processus de prise de décision, de participer aux structures mises en place à lécole(lassociation des parents délèves et les associations délèves, coopératives, le foyer et les clubs etc), daccepter les responsabilités, de les assumer. Ainsi il concerne le droit de sexprimer sur les affaires de lécole, sa gestion, à travers tous les canaux possibles( journal, affichage, dans les réunions etc..), de coopérer, de prendre position et dagir. Cest la démocratie participative qui associe les élèves à la prise de décisions et à la gestion de lécole, mais aussi les parents , les autres partenaires, comme les associations de quartier, les ONG dans le cadre de la cellule école milieu, structure plus large englobant les acteurs de léducation et les partenaires.
Les parents qui jouent un rôle de premier plan dans l éducation des enfants, la famille étant la première cellule déducation doivent participer en encourageant les enfants à apprendre, sintéresser à la vie de lécole, participer aux réunions, en prenant des décisions, en prenant position, en coopérant avec les autres partenaires comme les enseignants et les membres de ladministration.
La participation à la vie de lécole sinscrit dans le cadre de la démocratisation de la vie scolaire qui se concrétise entre autres dans la cogestion de la classe entre et de lécole (entre maître et élèves), dans louverture à la diversité des façons dêtre et de penser.
Cette démocratisation doit donc être fondée sur le pluralisme, la coopération et le respect des droits de lautre dans le quotidien. Lécole en conséquence doit souvrir à tous, handicapés, réfugiés, déplacés ( cest à dire être intégratrice), aux différentes idées, aux diverses cultures.
Il sagit pour lécole et pour chaque classe de créer un environnement où les adultes et les jeunes peuvent cheminer ensemble et saider mutuellement à exercer leurs droits respectifs tout en assumant les responsabilités qui en découlent.
En définitive, la participation signifie davantage quune simple implication dans la prise de décision. Cest un modèle de vie démocratique fondé sur un équilibre entre les droits et les responsabilités entre acteurs de léducation : élèves , professeurs, parents délèves, membres de ladministration.
Quel est le cadre qui organise cette participation et quelles sont les structures mises en place ?
II/ Le cadre et structures de participation mises en place
La participation des acteurs de léducation au processus éducatif en milieu scolaire a été évoquée par des textes, lois dorientation et autres conventions ratifiées par le Sénégal :
En effet, la loi dorientation 91-22 du 16 février 1991 en son article premier alinéa 2 dispose : " l éducation nationale tend à promouvoir les valeurs dans lesquelles la nation se reconnaît : elle est éducation pour la liberté, la démocratie pluraliste et le respect des droits de lhomme, développant le sens moral et civique de ceux quelle forme, elle vise à en faire des hommes et des femmes dévoués au bien commun, respectueux des lois et des règles de la vie sociale et uvrant à les améliorer dans le sens de la justice, de léquité et du respect mutuel. ". Cette disposition est on ne peut plus clair sur la participation des élèves au processus éducatif, à leur propre formation, car comment former des citoyens à lautonomie, au respect des droits de lhomme, des lois et règles de vie sans leur participation ?
La convention internationale relative aux droits de lenfant exprime ce droit à la participation dans ses articles 12, 13, 15, 16, 17 qui correspondent respectivement à la liberté dopinion, la liberté dexpression, la liberté dassociation, la protection de la vie privée, le droit à linformation.
Des textes officiels sur la coopérative scolaire, sur le foyer socio-éducatif et les autres structures évoquent cette participation.
Pour les parents délèves, qui forment lassociation des parents délèves, leur participation est aussi régie par un texte notamment la loi dorientation 91-22 du 16 février 1991 qui précise que ce sont des partenaires de lécole.
La reconnaissance de cette participation du moins en théorie sest traduite par la mise en place de certaine structures de participation.
La participation des élèves ne doit pas seulement se limiter à la classe. Ils doivent participer à toutes les structures mises en place citées ci-dessus. Lorganisation scolaire doit être centrée sur lenfant et basée sur la collaboration et la coopération entre tous les acteurs de léducation.
-le projet détablissement : un cadre qui énonce clairement ce que lécole vise pour atteindre ses objectifs éducatifs (les valeurs que lon veut poursuivre à lécole) et pédagogique (la conception de lapprentissage, comment on guide les élèves dans leur apprentissage, les méthodes, cest ce qui permet de mettre en uvre le projet éducatif). Tous les projets de lécole y sont inscrits (formation, partenariats, jumelages etc)
-le règlement intérieur : Il règle les modalités quotidiennes du vivre ensemble. Il est affiché dans tous les établissements avec ses imperfections notoires.
-le foyer socio-éducatif : Il comprend lensemble des élève de létablissement. Il est dirigé par un bureau élu au sein des délégués de classe. Les clubs (Unesco, droits humains, EIP etc..)qui constituent ses démembrements organisent des conférences, des ateliers etc. Mais cest dans le foyer aussi que se préparent les grèves.
-le conseil délèves : Il est constitué de lensemble des délégués de classe. Il élit en son sein le bureau du foyer socio-éducatif.
-Le journal scolaire : Il doit permettre aux élèves dexercer leur droit à lexpression et consacrer louverture de lécole sur lextérieur.
-Le conseil de gestion : il regroupe les membres de l administration, les parents délèves, les enseignants, le représentant des élèves , le représentant du conseil régional, le représentant du trésor, le maire; Il doit se prononcer sur certaines questions de lécole et doit résoudre des conflits.
-la coopérative scolaire : dans les écoles primaires, la coopérative est une structure de gestion des activités de lécole. Elle doit les initier à lexercice de la démocratie, de la citoyenneté et permettre la réalisation du projet décole. Ses instances sont lAssemblée générale, le conseil de tutelle, le conseil dadministration, le bureau et les commissions spécialisées.
-lassociation des parents d élèves : elle est constituée par lensemble des parents des élèves, qui forment une assemblée générale qui élit en son sein un bureau.
Lassociation des parents délèves, le conseil des maîtres, la coopérative scolaire, les autres partenaires de lécole comme les ONG forment la cellule école milieu qui se réunit pour examiner les grandes questions qui se posent à l école, violence, discipline, ses projets etc.
Toutes ces structures permettent en théorie une participation effective des acteurs de léducation au processus éducatif, mais quelles sont les réalités de cette participation en milieu scolaire ?
III/Les limites de cette participation ou les réalités de la participation démocratique en milieu scolaire:
Si les textes et les structures existent, la participation effective est tout autre. Dans certaines écoles , elle est pure parodie, car les chefs détablissement se comportent en vrais despotes, faisant fi des textes qui dailleurs sont caractérisés par des insuffisances notoires.
Dabord le règlement intérieur : il est imposé par le Ministère de léducation nationale. Au Sénégal , il ya un modèle standard qui est distribué dans chaque école et les élèves et maîtres sont tenus de le respecter à la lettre.
Ni les élèves , ni les enseignants ne participent à son élaboration, ils ne peuvent pas lamender non plus. Le règlements intérieur est toujours associé à dune attitude négative ou punitive et nexprime que les devoirs de lélèves et de lenseignant. Il est donc courant de lire des articles comme ceux là dans les règlements intérieurs :
-Tout retard de 5 mn non justifié entraîne une sanction
-Une fois en classe , les élèves ne doivent en sortir que sur l autorisation du professeur ou du surveillant.
-les élèves doivent se montrer déférents , obéissants et travailleurs
-Il est formellement interdit dentrer dans la salle des professeurs pour quelque raison que ce soit
-lautorité du professeur est totale et souveraine dans la classe
-les élèves doivent shabiller correctement et décemment pour aller en classe
etc..
Ces extraits de règlements intérieurs nindiquent que des devoirs de lélève. Et parce quils ne sont pas le fruit de concertation entre les partenaires de lécole, les conflits naissent entre les partenaires de lécole, conflits souvent résolus par la violence. Des conflits entre élèves et enseignants, entre élèves et membres de ladministration etc..
Exemples :
-Un paysan qui interrompt le cours dun maître pour obliger son fils à le suivre dans les champs. Il clame quil a besoin de bras Le maître et le directeur sinterposent.
-Une étudiante de confession musulmane quitte régulièrement les cours pour effectuer ses prières . Lécole Sénégalaise est pourtant laïque. Les enseignants se réunissent pour étudier son cas.
-Un père fit irruption dans une salle de classe et oblige sa fille à rejoindre le domicile conjugal. Elle avait été mariée un an plus tôt
-Le principal dun collège interdit louverture du foyer socio-éducatif car dit-il cest dans cette structure que se préparent les grèves.
-Le principal dun collège fouille systématiquement les correspondances des élèves et confisque les objets de valeur venant de létranger. Il prétend que les élèves demandent de largent à leurs correspondants, ce qui risquent de ternir limage de marque de létablissement ; les élèves se mettent en grève.
-Dans le journal dune école de formation dinstituteurs, un étudiant écrit un article qui critique la didactique du Français telle que donnée par un formateur ; larticle est sanctionné et lélève renvoyé. Les élèves se mettent en grève.
-Dans un collège le principal a désigné le meilleur élève de létablissement comme le président du foyer socio- éducatif. Les élèves se sont mis aussitôt en grève estimant que le président du foyer doit être élu démocratiquement.
-Dans une école primaire, un élève a été battu et renvoyé parce quil na pas donné sa cotisation à la coopérative scolaire.
Selon la loi dorientation 91-22 du 16 février 1991 " Léducation nationale est démocratique, elle donne à tous de chances égales de réussite. Elle sinspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir linstruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, dorigine sociale, de race, dethnie, de religion ou de nationalité. " . Pourtant la discrimination dont sont victimes certains élèves comme, les élèves handicapés , les élèves obèses, les filles est une aussi une autre entrave à la participation de tous aux activités de lécole ; en effet ils sont souvent exclus de fait de certaines activités de lécole.
Le sort qui est réservé aux enfants réfugiés, déplacés , aux enfants soldats (kadogos en RDC) nest pas souvent enviable dans nos pays ; ils sont laissés à eux-mêmes, pas décoles dans les camps et quand ils vont dans les écoles normales les problèmes psychologiques, le manque de matériels scolaires les empêchent de suivre correctement les cours. Quel sort est réservé aux enfants de la rue, les talibés (enfants mendiants de lécole coraniques) aux Sénégal , les enfants sorciers au RDC ?
Beaucoup détablissements fonctionnent sur le principe monarchique :
-le directeur prend des décisions concernant les élèves sans les consulter ; Par exemple on impose une cotisation aux élèves pour laccès à la salle informatique.
-Il arrive que le foyer socio-éducatif ne fonctionne pas dans certains établissements. Quand il fonctionne les élections sont bâclées, le principal ou le proviseur impose leurs hommes.
Les journaux sont rares dans les établissements. Sils existent ils sont censurés, les élèves ne sont pas autorisés à sexprimer sur toutes les questions scolaires notamment la pédagogie. Les affichages à lécole sont réglementées.
La coopérative scolaire dans plusieurs écoles primaires est une structure fantôme. Les élèves sont manipulés. Ce sont les maîtres qui font tout le travail, et les élèves sont utilisés comme décoration.
Lassociation des parents délèves est un partenaire de lécole mais elle est rarement consultée pour tout ce qui touche lenseignement, lélaboration du règlement intérieur. Elle est utilisée dans certains établissement pour jouer les rôles de médiateurs quand il ya conflits ou quand lécole est confrontée à des problèmes financiers insolubles. Les conflits éclatent souvent entre acteurs de léducation, car le règlement intérieur nest pas négocié.
Conclusion :
La participation démocratique à lécole participe de léducation à la citoyenneté démocratique des élèves . Elle est en ce sens fondamentale à lécole. Cependant il ya un grand fossé entre les dispositions des textes et la pratique. Lécole doit créer le cadre participation démocratique de tous les acteurs de léducation au projet détablissement. Pour cela elle doit être non seulement un espace où se vit la démocratie mais où lon apprend à élaborer les règles du vivre ensemble avec des cultures différentes . Pour cela lécole doit développer certaines compétences :
-prévenir et gérer les conflits
-accepter les différences
-promouvoir la coopération
-promouvoir la participation des élèves à lélaboration des règles de vie
-promouvoir la réalisation de projets citoyens(solidarité en direction des populations les plus démunies, intégrer les enfants de la rue à lécole, les enfants soldats, protection de lenvironnement
-créer les lieux de paroles, encourager la prise de parole
etc..