Communication de Saliou SARR, président de l'EIP-Sénégal

Education aux droits humains et éducation à la citoyenneté sont des sujets connexes, très liés en ce sens que l'exercice de la citoyenneté passe nécessairement par l'appropriation des droits humains, ils en constituent l'axe organisateur. En outre exercer sa citoyenneté c'est participer à la vie économique, politique, sociale , culturelle de la cité en exerçant ses droits et en assumant ses responsabilités. Il faut souligner aussi que l'éducation aux droits humains qui s'adresse à la personne tout court quel que soit sa nationalité, son origine, sa race comme l'éducation à la citoyenneté aujourd'hui incitent à transcender les frontières nationales pour aborder l'émergence de nouvelles formes de citoyenneté basées sur d'autres repères identitaires comme ceux par exemple de citoyens du monde.

Dans notre propos, nous aborderons les défis actuels aux droits de l'homme et la nécessité d'une éducation aux droits humains et à la citoyenneté , nous tenterons d'élucider les concepts, puis nous aborderons les approches , les méthodes et techniques , puis l'organisation scolaire, étant entendu que la pratique des droits humains , l'exercice pleine et entière de la citoyenneté ne peuvent se faire que dans un cadre démocratique.

Les défis sont nombreux sont et importants:

-La violation des droits civils , politiques , sociaux, culturels, économiques et au droit au développement

-les conflits entraînant des vagues de réfugiés et de personnes déplacées

-l'extrémisme, la xénophobie, le racisme

-les régimes autoritaires, le manque de démocratie

-la violation des droits des peuples comme la négation du droit à l'autodétermination et de l'égalité entre les peuples

-la dégradation de l'environnement

-la globalisation (dans son sens négatif), la marginalisation, la pauvreté

A cela il faut ajouter et plus spécifiquement

-Les discriminations et les violences systématiques envers les femmes ,

-l'exploitation des enfants, multiplication des cas d'exclusion dans le système scolaire, violences scolaires, manque d'intérêt vis à vis de la chose publique etc..

-L'inégalité en droits des citoyens,

-Des formes d'exclusion comme le chômage, la pauvreté, l'analphabétisme qui excluent de fait une partie de la population de l'exercice de la citoyenneté,

-Une faible participation du citoyen à la chose publique surtout dans les pays en développement qui s'explique souvent par sa propre ignorance de ses droits, voire de son indifférence face à la gestion des affaires de la collectivité

-Une identification quasi absente du citoyen aux institutions de la république, par indifférence ou par manque de connaissances à leur sujet.

-Violence urbaine, intolérance conduisant à de nouveaux génocides et à de nouvelles guerres ethniques.

• Il faut ajouter les exclusions politiques ,
• exclusion culturelle basée sur une an alphabétisation et une pauvreté croissante de la population,
• exclusion économiques dus à la mondialisation des économies dominées par des entreprises de plus en plus puissantes.

-Eu égard à tous ces défis, l'éducation aux droits humains , à la citoyenneté démocratique, l' éducation multiculturelle, la pratique active de la tolérance et de la solidarité sont devenue une nécessité absolue pour un développement économique et sociale durable. Ces défis ne sont pas insurmontables, ils ne relèvent pas de la fatalité, il est possible de "désarmer l'esprit pour désarmer la main " par l'éducation, comme le dit l'école instrument de paix ..

De plus "s'il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre ou tout autre forme de comportement violent soit génétiquement programmé dans la nature humaine, que les conflits sont des constructions sociales, alors il est possible "d'élever l'homme" à ériger dans son esprit les défenses de la paix par l'éducation". Et c'est l'UNESCO qui nous dit dans son préambule "que les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être érigées les défenses de la paix"

En effet, les différents instruments juridiques internationaux ou régionaux qui font référence au droit à l'éducation prescrivent tous le développement d'une éducation aux droits de l'homme, à la paix (CIDE, art, 28, 29 , PIDCP art 13, charte africaine des droits de l'homme et des peuples , art 17, ). L'article 26 , alinéa 2 de la DUDH stipule "l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance, et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations unies pour le maintien de la paix"

-La recommandation 1974 de l' UNESCO beaucoup plus explicite insiste sur le développement d'une éducation pour "la compréhension, la coopération et la paix internationales et l'éducation relative aux droits de l'homme" ou éducation à vocation internationale

-La conférence de Yamoussoukro en 1989 sur la paix, a invité" les états , les communautés éducatives et culturelles du monde à inclure dans tous les programmes éducatifs des éléments relatifs à la paix et aux droits de l'homme, ".

-Le programme d'éducation globale de l'UNESCO, affirmée à l'échelle mondiale vise l'instauration de la paix, la promotion d'une culture démocratique, au développement d'une éducation aux droits de l'homme et l'affirmation du droit à un développement économique durable pour tous les états.

-La conférence de Vienne de 1993 a particulièrement mis en évidence la dimension éthique de l'éducation aux droits humains et à la paix. Elle adopté une "Déclaration et programme d'action" affirmant que les droits de l'homme découlent de la dignité et de la valeur inhérente à la personne humaine, que la personne humaine est le sujet même des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que par conséquent elle doit en être le bénéficiaire principal et doit participer activement à leur réalisation. Les Etats et les institutions sont invités par cette conférence "à inscrire les droits de l'homme, le droit humanitaire, la démocratie et la primauté du droit au programme de tous les établissements d'enseignement"

-Dans son plan d'action mondial l'UNESCO, incite les Etats à inscrire "l'enseignement des droits de l'homme et de la démocratie dans les programmes d'études, à tous les niveaux du système scolaire et en priorité dans l'enseignement primaire obligatoire et gratuit, pour tous et pour toutes. Il s'agit selon ce plan mondial d'action de développer" un enseignement transdisciplinaire qui fasse systématiquement partie de l'éducation de base, avec une indispensable dimension multiculturelle, reflet de la diversité de la famille humaine"

-La décennie mondiale de l'éducation aux droits de l'homme (1995-2004) adoptée par l'AG des Nations Unies en 1994 (résolution 49/184) a statué que:

"l'éducation aux droits humains ne devrait pas inclure uniquement la dissémination de l'information, elle devrait constituer un long processus d'apprentissage par le quel les gens à tous les niveaux de développement et dans toutes les strates de la société apprennent le respect de la dignité des autres et les moyens et méthodes pour garantir ce respect dans toute les sociétés".

-Le Sénégal dans sa loi d'orientation de 91-22, du 16 février 1991définit les contours d'une éducation aux droits humains et à la citoyenneté en son article I alinéa 2 ": l'éducation nationale, au sens de la présente loi tend " à promouvoir les valeurs dans lesquelles la nation se reconnaît: elle est éducation pour la liberté , la démocratie pluraliste et les respect des droits de l'homme, développant le sens moral et civique de ceux qu'elle forme ,elle vise à en faire des hommes et des femmes dévoués au bien commun, respectueux des lois et des règles de la vie sociale et œuvrant à les améliorer dans le sens de la justice, de l'équité et du respect mutuel"

-Au Sénégal, si une place est réservée à l'éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique dans le nouveau curriculum de l'école de base, en revanche au niveau du moyen et du secondaire, c'est par bribes que nous retrouvons les éléments de contenu d'une telle éducation dans les programmes scolaires. C'est plutôt dans le cadre des activités extrascolaires avec les clubs de droits de l'homme, des clubs EIP (Ecole Instrument de Paix) qui font encore timidement leur apparition dans les lycées et collèges que certaines dimensions de l'éducation aux droits humains et à la paix sont abordées

-Il faut cependant noter que ce sont les écoles associées de l'UNESCO, les clubs UNESCO au Sénégal qui ont été les pionniers dans cette éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique. Ils traduisent en actes les idéaux de l'UNESCO dans le monde scolaire et associatif. Enseignement occasionnel des droits humains et de la citoyenneté démocratique, réalisation de projets relatifs aux droits humains, (talibés, petites bonnes, enfants travailleurs etc..) et plus spécifiquement projets de protection de l'environnement, de restauration de sites culturels etc..

A-Les droits humains : Ce sont des droits et libertés que chacun possède dès sa naissance, parce qu'il est par essence un être humains. Des prérogatives reconnues à la personne de par son essence , tellement importantes que toute autorité politique, devraient en garantir le respect. C'est une chose à la quelle l'homme peut prétendre uniquement en vertu de son statut d' être humains. Ils sont donc inhérents à la personne humaine. Et c'est pourquoi les droits humains sont toujours associés avec "être" tandis que les besoins avec "avoir".

-Ils prennent racine dans les valeurs qu'une société proclame traduites en normes et codifiés par un processus souvent institutionnels.

-Ils peuvent donc être exercés face à un gouvernement et impliquent l'obligation pour le gouvernement de les respecter.

-Ils s'appliquent à tous sans distinction d'âge , de religion, de langue, de croyances politiques, de sexe, de race, de statut à la naissance, d'ethnicité et quelque soit le statut économique et social de la personne.

.. -Parce que ce sont des droits , personne ne peut en être privé, ni par le gouvernement , bien qu'ils puissent être suspendus pendant un état d'urgence, ou limités.

Les droits humains font appel à de multiples concepts comme la dignité, l'égalité , la responsabilité, les libertés d'expression , d'association etc.. La compréhension de ces concepts ne doit cependant pas s'apparenter à une entreprise d'abstraction. Ces droits s'apprennent dans la pratique et visent à éveiller l'esprit critique.

Elle dérive du Latin, CIVITAS, ensemble des citoyens et aujourd’hui elle peut se définir selon quelques axes qui recouvrent ce qu’il convient d’appeler, les anciennes et les nouvelles citoyennetés.

Ainsi, elle est, statut juridique et politique conférant des droits égaux(civils et politiques ,sociaux, culturels et économiques) et des obligations égales pour tous dans une communauté politique donnée avec la participation au pouvoir, à la décision et au contrôle.

C’est donc l’ensemble des droits et libertés que l’état accorde à ses citoyens et des obligations égales pour tous

Elle comprend des règles juridiques qui définissent l’appartenance à un corps politique

Elle implique un équilibre entre les droits et les responsabilités

Elle assure l’accès à la vie politique et la participation civique

-la citoyenneté est aussi un contrat civique et moral entre l’Etat et l’individu en tant que sujet de droit , un ensemble de qualités morales, de devoirs civiques considérés comme nécessaires à la bonne marche de la cité, lieu ou chaque personne doit accepter la règle commune(le civisme)

C’est l’une des identités d’un individu. Elle est liée au contexte (héritage, tradition, conception de l’homme) dans le sens où elle peut avoir simultanément plusieurs significations en fonction de la communauté politique , sociale à la quelle elle se rapporte : citoyenneté nationale, régionale, mondiale.

La Citoyenneté suppose certaines compétences ou un savoir civique permettant d’exercer utilement son statut de citoyen .

-Etre citoyen c’est être partenaire de plusieurs responsabilités communes auxquelles on participe, en s’informant, en informant, en travaillant, en consommant , en produisant.

En tout cas les droits de l'homme occupent une place centrale dans la citoyenneté.

Ainsi un citoyen est défini comme une personne pouvant et devant exercer son rôle social, politique, économique, culturel, en toute liberté et égalité en droits et dans le plein respect de la liberté des autres.

Au vu de cette définition la citoyenneté possède trois composantes :

Le terme démocratie flanqué à la citoyenneté marque une rupture et s’explique par la volonté d’inclusion, la participation de tous les citoyens sans exclusive, la lutte contre la violence, pour la cohésion sociale.

.

Comme stipulé dans la déclaration universelle des droits de l'homme et dans les principaux traités internationaux des droits de l'homme, l'éducation aux droits de l'homme peut être définie comme suit: "les efforts de formation, de diffusion et d'information qui visent la construction d'une culture universelle des droits de l'homme à travers la transmission de connaissances et de compétences et la modification des attitudes axées vers:

a)le renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales

b)le développement complet de la personnalité humaine et du sens de sa dignité

c)la promotion de la compréhension, de la tolérance, de l'égalité entre les sexes et de l'amitié entre toutes les nations, les peuples autochtones et entre les groupes raciaux, nationaux, ethniques, religieux et linguistiques

d)Permettre à toutes les personnes de participer efficacement dans une société libre

e)la promotion des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix (plan d'action de la décennie, para. 2)

De façon plus simple, l'éducation aux droits de l'homme est un ensemble de connaissances , de valeurs d'attitudes et d'aptitudes devant permettre à l'apprenant de se connaître , de s'apprécier , de connaître l'autre, de comprendre le sens des valeurs universelles de justice, d'égalité, de tolérance, de liberté, de solidarité et d'agir pour un monde plus juste, plus humain ; c'est une façon de vivre les relations entre les membres de la communauté scolaire, entre pairs à l'école, en classe, entre élèves et enseignants, dans les clubs et associations d'élèves, de réagir à l'injustice et aux inégalités, une façon de régler pacifiquement les conflits à l'école

Nous dirons que c’est un ensemble de compétences à acquérir pour défendre et promouvoir les droits humains et appliquer les principes dans la vie quotidienne, à l'école.

Si l’instruction civique décrit et présente la cité et vise seulement à informer du fonctionnement des institutions pour pouvoir s’en servir, l’éducation civique vise à en reconnaître le bien fondé, susciter l’adhésion aux valeurs dont les institutions émanent .

Aujourd’hui , il est beaucoup question d'éducation à la citoyenneté démocratique .

Ce glissement s’explique par les préoccupations contemporaines d’une conception plus active de la citoyenneté axée sur la responsabilisation et les attitudes propres à renforcer la démocratie ; il faut dire aussi que nous sommes passé d’un enseignement basé sur les connaissances à un enseignement basé sur les compétences. Ce passage implique une extension considérable du domaine puisqu’il apparaît qu’aucun domaine de la vie sociale ne saurait être indifférent à la citoyenneté. Ainsi le rôle et la responsabilité de l’école sont donc directement concernés par l’extension du concept de citoyenneté.

-Elle vise à rendre la personne consciente de ses droits et de ses obligations vis à vis d'autrui et de la collectivité en général. .

Ce sont des connaissances, des attitudes, des valeurs et aptitudes qui permettent au citoyen de reconnaître les valeurs requises pour la vie commune, d’effectuer des choix et d’agir dans ce respect avec la conscience d’appartenir à un corps social organisé.

L’éducation à la citoyenneté comprend quatre grands axes interdépendants:

-les droits humains l’axe organisateur de l’éducation à la citoyenneté, la démocratie qui est une façon de vivre ensemble avec le respect de l’autre, avec un débat et une culture du dialogue, la paix qui est plus que l’absence de guerre, une situation où les conflits sont réglés de façon pacifique, enfin le développement qui est un processus qui conditionne les autres , mais aussi est un aboutissement.

Les compétences de base en éducation aux droits de l'homme et en éducation à la citoyenneté sont celles qui appellent à la construction d’une personne libre et autonome, consciente de ses droits et obligations dans une société où le pouvoir de dire la loi ,c’est à dire d’énoncer les règles de vie commune où la désignation et le contrôle de ceux qui exercent le pouvoir sont sous la responsabilité de tous les citoyens .

-En définitive l'éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique invite à la maîtrise de compétences:

-Défendre et promouvoir les valeurs démocratiques et les droits de l'homme à l'intérieur de l'établissement scolaire comme dans la société en général,

-S'approprier les règles de la vie commune, nécessaires à la compréhension des relations que les personnes entretiennent entre elles et avec l'environnement.

etc…..

L'éducation aux droits et libertés ainsi que l'éducation à la citoyenneté démocratique sont prise en charge dans de nombreux pays dans les programmes par l'éducation civique et morale . L'éducation civique accueille naturellement les textes juridiques( constitution, règlements, déclarations, conventions, pactes etc. Les valeurs morales de solidarité, de justice , de tolérance, d'égalité qui sous tendent ces textes juridiques sont abordées en éducation morale. Cependant , il faut noter que par rapport à l'éducation à la citoyenneté ces cours sont uniquement des moyens d'alphabétisation institutionnelle, c'est à dire qu'ils se centraient sur la connaissance des institutions politiques et administratives ainsi que leur fonctionnement, des lois et constitutions nationales . Mais aujourd'hui l'éducation à la citoyenneté recouvre un champ beaucoup plus large de savoir, d'attitudes et de comportements à acquérir. Elle invite de transcender les frontière nationales.

Ainsi et en raison de tout cela les droits humains et la citoyenneté peuvent s'intégrer dans tous les apprentissages scolaires et permettent de renouveler leurs approches.

En effet les thèmes ainsi que les valeurs véhiculées sont parties intégrantes des disciplines enseignées à l'école, comme , l'histoire, la géographie , la biologie, les langues , le dessin, etc.

Elles font appel à de multiples concepts qui justifient une approche pédagogique pluridisciplinaire (égalité devant la loi, responsabilités individuelles et collectives, liberté d'association, d'expression, participation etc;

En somme, toutes les disciplines peuvent illustrer d'un manière ou d'une autre la perspective des droits de l'homme et de la citoyenneté et même la manière d'enseigner est porteuse d'habiletés sociales .Mieux l'éducation aux droits humains et à la citoyenneté permet une approche intégrée des apprentissages scolaires qui dépasse le cloisonnement traditionnel pour ancrer la formation des élèves dans l'acquisition de capacités transversales pouvant permettre un mieux vivre ensemble et donc utiles pour toute la vie(life skills ).

Donc l'éducation aux droits humains est non seulement pluridisciplinaire ,

Interdisciplinaire, mais aussi transdisciplinaire en ce sens qu'elle permet l'acquisition de savoir, de savoir faire et de savoir être en explorant globalement le champ réel au delà des disciplines ( capacités transversales). A ce niveau on peut citer plusieurs programmes transversaux, qui permettent de mettre en œuvre l'éducation aux droits humains et à la citoyenneté: l'éducation pour développement, l'éducation à vocation internationale, l'éducation à la paix etc. Ce décloisonnement est d'autant plus important qu'un savoir émietté ne saurait délivrer les droits de l'homme .

En effet ils doivent être cernés par la tête ( comprendre, penser les droits humains, les origines des droits humains, les rapports avec la religion, la culture, les catégories de droits etc. ), par les sensations et formes de l'assimilation (prendre conscience, représenter, figurer les conditions de vie des pauvres , des enfants travailleurs , mendiants par exemple, des réfugiés en utilisant des images, en menant des enquêtes, des interview, des poèmes, des chansons, des textes illustratifs, des journaux, etc.), en agissant soi-même (prendre position, agir, traiter pour toucher le public par des expositions, par des émissions radio, par un journal, un concert, par des projets d'action en faveur des plus démunis, de l'environnement etc.) ; ces trois approches sont liées car si l'éducation aux droits humains doit aboutir à l'action, il faut bien les comprendre d'abord, en prendre conscience, se les représenter et ensuite prendre position.

Le projet d'action par exemple constitue de façon on ne plus éloquente, l'expression même de ce décloisonnement.

L’apprentissage de l'éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique se fait de plusieurs manières :

-Dans le curriculum formel en classe, dans le curriculum non formel(activités extrascolaires ou extra muros organisés pour compléter le curriculum formel),

-Dans le curriculum informel( l’ensemble des situations quotidiennes, naturelles qui surviennent dans la vie de l’école et qui englobent tous les évènements ordinaires comme les situations de communication et de collaboration, lutte pour le pouvoir, conflits, discrimination, situations d’injustice, mais aussi amitiés etc..) dans le curriculum caché (des situations où les élèves apprennent les uns des autres par le biais de l’apprentissage mutuel, l’imitation, la participation ou l’influence sociale, en somme tout l’apprentissage non académique avec les messages les attitudes, les valeurs implicites, l’influence éducative .

En conséquence l, es apprentissages en 'éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique doivent être décloisonnées. .

L' éducation doit reposer sur des principes clairement définis qui ne sont autres que les fondements des droits humains traduits dans nombre d'articles dans la déclaration universelle des droits de l'homme: on peut citer

-la dignité, qui implique le respect de l'homme, de l'apprenant, de son écoute , des membres de la communauté scolaire.

-la liberté c'est à dire l'autonomie, l'esprit critique, la créativité, l'expression l'information.

-la réciprocité qui découle de l'égalité des doits implique l'échange entre l'enseignant et l'élève , le respect de tous les membres et partenaires de la communauté scolaire.

-L 'existence de règles explicites, notamment le règlement de classe, la charte scolaire , le projet d'établissement qui doivent être transparentes

-La référence aux droits de l'homme, c'est à dire aux textes juridiques

-Existence de recours , pour que les membres de la communauté scolaire puisse faire connaître ses griefs.

-La démocratie: elle est garante du respect des droits de l'homme et une preuve que les questions de pouvoir peuvent être discutées.

-Participation , tolérance, solidarité: la méthode doit être participative, multiculturelle, interculturelle ..

-L'éducation aux droits humains suggère que les enseignants en maîtrisent bien l'intention et les repères juridique. En effet une éducation qui ferait simplement allusion aux grands principes moraux sans présenter leur traduction dans les normes juridiques et des instruments d'application, ne pourrait être considérée comme une éducation aux droits de l'homme. La connaissance des textes garantissant les droits les droits et les usages que l'on peut en faire est un élément fondamental d'une éducation aux droits de l'homme.

-Il faut aussi présenter les droits humains comme un système de valeurs positives et montrer les progrès et les succès, éviter de trop mettre l'accent sur les violations des droits de l'homme surtout dans les petites classes, car de nombreux exemples ,de violations risquent d'engendrer chez les élèves un sentiment d'impuissance,, de découragement.

-Permettre de rapporter les expériences vécues par des personnes directement aux concepts abstraits et aux mesures légales ; en d'autres termes illustrer toujours par des exemples.

Tous ces principes vont orienter autant la relation pédagogique entre enseignants et enseignés que l'organisation scolaire ..

En définitive , le plein épanouissement de la personnalité humaine et le renforcement des liberté fondamentales ne sauraient être attentes avec n'importe qu'elle méthode courante .la recommandation de l'UNESCO de 1974, sur l'éducation pour la compréhension, la coopération et la paix internationale et l'éducation relatives aux droits et libertés fondamentales, préconisent "le développement cognitif et affectif de l'individu, le sens des responsabilités sociales et de la solidarité" avec les groupe les plus démunis "," incite au respect du principe d'égalité dans le comportement quotidien" , "recommande de travailler en groupe , d'accepter la libre discussion et d'y participer, d'observer les règles élémentaires de procédures applicables à tout débat"( principe directeur point 5) . .

-la classe,( débat, discussion , échange etc.)

-la vie scolaire ( participation à l élaboration des règles de vie, aux associations et clubs de l'école)

-les activités extra scolaires( divers projets en faveur de la communauté

Nous retiendrons parmi la gamme des méthodes participatives  :

-la pédagogie de la coopération :.C’est une stratégie d’enseignement apprentissage , hautement interactive, participative, favorisant l’interdépendance, la complémentarité entre les membres des sous groupes d’une part et d’autre part entre les sous groupes du groupe classe ; ici les objectifs collectifs ne seront atteints que lorsque chaque membre aura assumé son propre rôle.

la plupart des matières scolaires se prêtent bien au processus de résolution de problèmes. C'est un processus qui fait appel à la réflexion ; Il suppose également l'application créative de règles déjà apprises de telle sorte qu'il en résulte de nouvelles idées.; Celles -ci multiplient à leur tour les possibilités d'application des règles connues.

En plus de favoriser l'apprentissage , une telle démarche contribue au développement cognitif et outille l'élève pour résoudre de nouveaux types de problèmes.

Le processus peut être utilisés aussi pour gérer les difficultés des rapports humains dans la classe ou dans l'école pourvu que les élèves apprennent à exprimer leurs opinions et à comprendre le point de vue des autres. L'enseignant peut les aider à acquérir des habiletés nécessaires à l'expression de soi, à l'écoute active et au dialogue.

Il existe diverses façons d'appliquer le processus de résolution de problèmes aux relations interpersonnelles. Nous proposons la façon suivante:

La pédagogie expérientielle considère l'élève comme un participant à qui la classe offre la possibilité de vivre des expériences signifiantes, c'est à dire des expériences qui font partie d'un contexte de vie réelle. Cela veut dire que l'apprentissage découle de son engagement personnel dans une activité où les dimensions affectives autant que les dimensions cognitives de son être sont sollicitées.

-De façon générale, dans cet apprentissage, l'élève s'approprie les connaissances, découvre par lui-même et devient artisan de ses compétences (pédagogie de la découverte); il doit participer à l'élaboration des règles de vie , en classe, à l'école et initier des activités extra scolaires pour la promotion et la défense des droits de l'homme comme la protection de l'environnement et la réalisation de projets en faveur de la collectivité. Il devient artisan de sa propre formation dans une dynamique de coopération.

L'éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique doit entraîner des changements au niveau intra personnel, interpersonnel et social.

Le maître devient alors un guide, un modèle et un agent de changement).

En effet les droits de l'homme doivent être vécus d'abord dans la relation que l'enseignant établit avec ses élèves, et les élève entre eux; mais il faut des conditions préalables à l'apprentissage comme au niveau individuel des sentiments positifs de l'enseignant vis à vis de lui même , et au niveau collectif un bon climat de classe.

En définitive l'enseignant comme l'enseigné , chacun s'implique dans le processus éducatif et comme le dit si bien Paulo Freire dans pédagogie des opprimés, page 62, paris 1983: :"l'éducateur n'est plus celui qui simplement éduque , mais celui qui en même temps qu'il éduque est éduqué dans le dialogue avec l'élève; ce dernier en même temps qu'ils est éduqué est aussi éducateur, tous deux deviennent des sujets dans le processus dans le sens ou ils progressent ensemble".

Chacune de ces méthodes renvoie à des techniques spécifiques

• le brainstorming, le graffiti, les enquêtes, les jeux de rôles, le Drama ,
• le photo langage

L' enseignant doit favoriser une évaluation formative et critériée.

L'auto évaluation (la participation active de l'élève à l'évaluation de ses apprentissages et de sa démarche personnelle , la classe qui évalue son travail, suggère des pistes en tant que groupe) sera suivie de la coévaluation,(entre élèves) . C'est davantage un dialogue qu'une mesure et permet à l'enfant de comprendre où il en est dans la progression et lui donner les moyens de progresser dans la réalisation de ses objectifs, puis de l'évaluation par le maître.( il évalue le travail des élèves en s'inspirant des suggestions fournies dans chaque activité)

Instruments suggérés:

-le journal de bord: cahier dans le quel on note ses réflexions, ses apprentissages, ses interrogations, tel un journal personnel; une grille de réflexion élaborée par l'enseignant ou par la classe

-grille de réflexion, les rapports d'activité, la boite à suggestions

En somme on peut citer:

Pour le domaine comportemental la liste de vérification ou de contrôle et l'échelle d'appréciation, le rapport d'activités

Pour le domaine socio- affectif, ( deux techniques , l'observation et l'entrevue), on peut citer l'échelle d'attitude, les situations problème, le questionnaire, le dossier anecdotique, la composition écrite ou le rapport d'activités,

Pour le domaine cognitif , la liste d'inventaire, les QCM, les questions à réponses dichotomiques, à correction objective, subjective, les questions à complément simple, les questions d'association etc.

ll y'a plusieurs niveaux d'évaluation: la classe, la vie scolaire, la situation nationale et .

En somme, il y'aura un évaluation systématique à travers toutes les disciplines qui enseignent les droits humains, une évaluation occasionnelle qui portera sur les comportements à l'école, en classe, une évaluation interactive qui portera sur la participation aux différents projets de l'école ( auto évaluation et coévaluation) .

-L'éducation aux droits humains et à la citoyenneté ne saurait laisser de côté l'organisation scolaire avec la vie associative, le règlement intérieur, toutes les structures auxquelles participent la communauté scolaire et qui permet aux élèves d'apprendre la citoyenneté(clubs , conseils d'élèves etc. ). Cette éducation , à l'école suppose que le climat qui y règne soit propice à son développement.

-L'école doit avoir au moins une longueur d'avance sur la société moyenne, en ce sens elle est à la fois un conservatoire pour les cultures et un laboratoire c'est à dire un terrain d'essai des progrès de la démocratie, du respect des droits de l'homme. Elle doit socialiser au sens large du terme en luttant contre la discrimination en intégrant les différentes cultures, les différences tout court ( école intégratrice). L'on doit y apprendre à vivre ensemble dans le respect des règles communes et dans le souci de promouvoir les valeurs de justice, de tolérance , de solidarité., les vertus du dialogue, l'exemplarité '(action). L'école doit être un instrument de paix

-S'il est clair qu'on ne peut enseigner la démocratie que dans un cadre démocratique, que les droits de l'homme ne peuvent s'épanouir que dans un état de droit, il est important que l'organisation scolaire et le curriculum soient imprégnés des principes de droits de l'homme.

Le règlement scolaire : règles de vie élaborée par la communauté scolaire et fondées sur les droits humains, elles doivent être claires et indiquer des comportements souhaités mais aussi comporter des réparations comme conséquences aux manquements à une règle ainsi que des voies de recours. Il faudrait éviter aussi de formuler les règles en termes d'interdits; le règlement scolaire peut être assortie de d'un mécanisme de résolution des conflits . Mieux il faudrait une charte.

• Le conseil d'élèves: il est composé de délégués d'élèves dans un établissement.,
• L'assemblée de classe ou le conseil de coopération: C'est la réunion de tous les enfants de la classe avec le maître , ensemble et en cercle, on gère la vie en classe , ce qui va bien et ce qui ne va pas, par exemple l'organisation de la vie en classe , du travail, des responsabilités, des jeux, les relations interpersonnelles, les projets ; en somme elle tente de résoudre certains problèmes et prend des décisions pour la classe.

-La coopérative scolaire,

- Le foyer socio- éducatif ou association étudiante.

-Il faut encourager, le journal scolaire et les correspondances scolaires: ils permettent la libre expression et l'ouverture de l'école sur l'extérieur.

-L'éducation aux droits humains et à la citoyenneté démocratique en milieu scolaire vise un changement d'attitudes et de comportement pour une plus démocratie effective à l'école, pour une plus grande participation des élèves aux décisions de l'école. Il est donc impératif d'encourager les structures de participation à l'école, de développer les lieux de paroles s'ils n'existent pas ou de les dynamiser . C'est un travail de longue haleine, mais pas un travail de Sisyphe .

-Toute activité mettant à contribution les jeunes en suscitant leur engagement direct soit au sein de l’école , dans la communauté ou sur le plan international et les invitant à résoudre les problèmes collectifs en sollicitant leur solidarité et en favorisant la rencontre des différentes cultures contribue à la formation citoyenne.

Ainsi un programme d’éducation à la citoyenneté à l’école proposera :

-des façon d’organiser la vie démocratique à l ‘école

-définir des façons de vivre les relations entre pairs

-des façons d’exercer l’autorité de façon démocratique en classe et à l’école

-d’adopter des règlements d’école basés sur les droits et les responsabilités

-de régler pacifiquement les conflits

-de favoriser la vie associative

-de développer de approches pédagogiques aptes à favoriser la participation des élèves

Mais à quoi ressemble une école qui éduque à l’ECD ?

• -C’est d’abord une école qui force la pratique de la démocratie et le sens des responsabilités :
• C’est une école qui interdit la violence et autorise la parole,,
• Une école qui donne sens aux savoirs scolaires
• Une école qui engage ses élèves à servir la communauté

.Une école qui ouvre le jeune à la dimension planétaire :

.Bibliographie :

-Audigier, François : " Concepts de base et compétences de l’éducation à la citoyenneté démocratique, conseil de l’Europe, 2000

-Audigier, François : l’éducation à la citoyenneté démocratique, synthèse et mise en débat

-Association Mondiale pour l’école Instrument de paix , Dossier, septembre 2001 :Comprendre pour agir…et vivre ensemble, vers un observatoire sur l’éducation aux droits de l’homme , à la paix et à la citoyenneté, repères contextuels et conceptuels.

Conseil de l’Europe, (CDCC) :Projet " éducation à la citoyenneté démocratique ", Stratégie pour apprendre la citoyenneté, Strasbourg, le 20 juillet 2000

-Conseil de l’Europe, (CDCC) : Projet " éducation à la citoyenneté démocratique ", l’éducation à la citoyenneté démocratique , un apprentissage tout au long de la vie, Strasbourg le 22 juillet 2000

-Conseil de l’Europe, (CDCC) Projet " éducation à la citoyenneté démocratique : les sites de citoyenneté, engagement , participation et partenariats, Strasbourg le 17 juillet 2000

-CIFEDHOP, thématique no 5 : " Droits de l’homme et citoyenneté : des repères pour agir-Vie pédagogique : l’éducation à la citoyenneté, no 109, Novembre Décembre 1998, Québec, Canada

-Michel Bastien, l’Education à la citoyenneté démocratique, dossier de la session de l’EIP/Congo( Kinshasa , 2 7 avril 2002)

Saliou SARR, Formateur à L'EFI de Thiès, Président de l'EIP-Sénégal et membre de l'équipe pédagogique du CIFEDHOP (centre international de formation à l'enseignement des droits de l'homme et de la paix )de Genève , SUISSE