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Education A la paix : une introduction aux droits de lĠhomme

PAR

Issa Camara Boubacar

La plupart de nos pays africains proclament dans les prŽambules des lois fondamentales la volontŽ de leurs peuples, dĠŽdifier des Etats de droit au sein de Nations unies et prospres. Ils affirment toujours lĠattachement des peuples au sacro-saint principe de la dŽmocratie pluraliste, au respect des droits de lĠhomme tel que dŽfinis par la Charte Internationale des droits de lĠhomme et la Charte Africaine des droits de lĠhomme et des peuples adoptŽs au sommet des chefs dĠŽtats et de gouvernements de lĠOUA, Union Africaine depuis peu, le 27 juin 1981 ˆ Nairobi et, entrŽ en vigueur le 21 octobre 1986.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue le fait que lĠAfrique est vaste, multiple, diffŽrente et aussi dŽsespŽrŽment pauvre Žconomiquement. Il faut se rappeler que plus de 20% de la population africaine souffre de la faim de manire chronique, plus du quart manque dĠeau potable et , plus du tiers vit dans la misre la plus totale.

Mais le droit est un, mme si le juriste  Isse Bokatola parle de droits de lĠhomme en Afrique, ou des droits de lĠhomme africain. Evidemment il fait ici allusion aux sources formelles face aux sources matŽrielles du droit international public. Il faut se rappeler quĠil existe sous lĠangle des sources formelles des instruments rŽgionaux relatifs aux DH en Europe, en AmŽrique, il est du mme des sources matŽrielles pour les deux continents citŽs. On peut alors admettre que les spŽcificitŽs africaines exigent lĠadoption dĠun texte a vocation africaine.

LĠŽducation ˆ la paix, donc ˆ la dŽmocratie, permet ˆ lĠapprenant dĠtre instruit de lĠexistence, de lĠŽtendue et des limites de ses droits et de ses devoirs, lĠinformation sur le DH rend chacun plus conscient de ses droits, de ce fait, mieux prŽparŽ pour les dŽfendre.

Il nĠest pas aisŽ dĠaspirer ˆ la paix sans un minimum de dŽveloppement socio-Žconomique. Un processus de dŽveloppement entra”ne la notion de dŽmocratie au sens premier du terme c'est-ˆ-dire une participation de la communautŽ aux prises de dŽcision, une action collective visant lĠobtention de lĠŽgalitŽ des droits  pour tous. Le dŽveloppement permet une certaine autonomie dans le sens dĠamener lĠindividu a mieux profiter des chances offertes, a amŽliorer ses connaissances et habiletŽs, a lui fournir lĠaccs aux  facteurs de productions et aux marchŽs. Il faut bien entendu dans la recherche de lĠautonomie, une reconnaissance des problmes dĠabord, ensuite la recherche des solutions pour le surmonter.

            Le progrs Žconomique conduit au progrs de la dŽmocratie. Une Žducation ˆ la paix doit tre menŽe de faon a ce quĠelle puisse libŽrer toute la population africaine, en particulier la jeunesse qui constitue actuellement la grande majoritŽ. Les constitutions nationales et les lois peuvent permettre dĠy parvenir. 

Droits de la personne

 Il faut se rappeler que lĠAfrique Žtait en passe de dŽtenir le triste records  des coups dĠŽtat militaire, devanant lĠAmŽrique latine et autres sous continents dans le monde des sous dŽveloppes.

Des rŽgimes militaires surgissaient, a tort ou a raisons pour  balayer sous Žtat dĠ‰me, des gouvernements Žlus par le suffrage universel, suspendant les constitutions pour les remplacer par des juridictions dĠexception. Des lors il nĠest plus question du respect du droit de la  personne. Il nĠest pas moins vrai aussi que, quelquefois ces rŽgimes militaires en Afrique viennent dŽtr™ner des rŽgimes civils a parti unique.

Notre continent souffre encore dĠautres maux qui ont comme noms guerres fratricides intempestives, conflits ethniques qui, rŽgulirement se dŽclenche dans diffŽrentes rŽgions.

AujourdĠhui encore, la situation en Somalie, en rŽpublique dŽmocratique du Congo, dans une certaine mesure en C™te dĠivoire, nous interpellent. Dans le nord du continent, en AlgŽrie, presque quotidiennement, des femmes, des enfants sont ŽgorgŽs pour des considŽrations confessionnelles, mme si les medias nĠen font pas toujours Žcho.

Il est vrai que des spectacles analogues peuvent tre observŽs aujourdĠhui dans des pays dits dŽveloppŽs. Nous avons en effet en mŽmoire ce qui sĠest passŽ en Bosnie, au Kossovo, ce fut une nŽgaton du droit de la personne. La grande diffŽrence avec lĠAfrique, cĠest quĠen principe, notre retard quant au dŽveloppement socio-Žconomique, devrait nous inciter plut™t ˆ dĠautres comportements.

Nous avons dĠautres prŽoccupations plus humaines, plus sociales. Enfin, notre jeunesse, lĠavenir du continent nĠa pas besoin de ces models de sociŽtŽ.

La charte Africaine des DH et des peuples stipule dans son art.17 que : toute personne a droit ˆ lĠŽducation

- Toute personne peut prendre part librement ˆ la vie culturelle de la communautŽ

- La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communautŽ constituent un devoir de lĠEtat dans le cadre de la sauvegarde des DH.

La Convention relative aux droits de lĠenfant, adoptŽe et ratifiŽe le 20 novembre 1989 par lĠONU, entrŽ en vigueur le 2 septembre 1990, engage tous les Etats signataires ˆ respecter et protŽger son contenu.

Je ne mentionnerai ici que les principaux, regroupŽs en :

- Droits qui garantissent les droits ˆ lĠŽducation, aux loisirs, ˆ la santŽ, ˆ la sŽcuritŽ sociale, ˆ un niveau de vie respectable, ˆ la dignitŽ humaine, ˆ la protection contre toute sŽparation arbitraire du milieu familial.

- Droit ˆ la protection sociale pour les enfants en situation particulire comprenant les droits de lĠenfant handicapŽ, rŽfugie, issus dĠune dĠune minoritŽ ethnique ou dĠune population autochtone ou habitant une rŽgion dŽfavorisŽe ;

- Droit ˆ la protection contre lĠexploitation et les abus : le travail forcŽ, lĠexploitation sexuelle, la vente et lĠenlvement, la guerre et la drogue.

- Les droits aux libertŽs fondamentales qui sont les droits de sĠinformer, de penser librement, de sĠexprimer, de sĠassocier, dĠavoir une vie privŽe, de choisir sa religion et dĠintervenir dans les dŽcisions qui les concernent .

Nos gouvernements ont tous ratifiŽ cette convention, mais concrtement, pratiquement nous savons que lĠapplication demeure difficile. A titre dĠexemple, nous connaissons les taux de scolarisation les plus courants en Afrique : ils trouvent autour de 30,50% en moyenne.

Les causes sont multiples

Ils sĠappellent : crises Žconomiques

  • DŽsengagement de lĠŽtat
  • Baisse des investissements en Žducation
  • Equipements insuffisants
  • Insuffisance dĠenseignants
  • Indigence des parents etc.É

Or, nous savons que lĠŽducation vise le plein Žpanouissement de la personnalitŽ humaine et au renforcement du respect des droits de lĠhomme et des libertŽs fondamentales. Elle favorise la comprŽhension la tolŽrance et lĠamitiŽ  entre tous les groupes  raciaux ou religieux, et le dŽveloppement des notions pour le maintien de la paix.

Cette  situation de lĠŽcole fait que lĠentrŽe dans la vie adulte des jeunes se fait dans la marginalitŽ, lĠexclusion et lĠignorance des moyens fondamentaux dĠŽmancipation qui sont lĠŽcriture et la lecture. Pour donner leur chance a tous les enfants dĠAfrique ˆ une Žduction libre, nŽcessaire et indispensable, il faut nŽcessairement faire fi des orientations et exigences des institutions financires internationales comme la banque Mondiale, le FMI, qui pr™nent la privatisation a outrance de lĠŽcole.

Heureusement que lĠŽducation aux DH nĠest pas une exclusivitŽ de lĠŽcole formelle traditionnelle. Ici, la sociŽtŽ civile dans son ensemble est concernŽe : les ONG, les mŽdias communautaire, les organisations de masse, les leaders dĠopinion, les responsables des confessions religieuses, les associations et groupements pour la dŽfense des DH etcÉ

Les droits fondamentaux de lĠhomme reconnus par les Etats et devant tre respectŽs par les personnes doit tre le point de dŽpart le plus mobilisateur permettant dĠŽtablir une relation entre lĠindividu et ses institutions.

LĠŽducation aux DH se doit de permettre ˆ lĠŽlve, ˆ lĠŽtudiant dĠtre informŽs des dits Droits, dĠen conna”tre leur fonctionnement et dĠidentifier les voies et moyens dĠassurer leur respect.

J. KORCZAK a dit je cite Ç le sort fait ˆ une sociŽtŽ ˆ ses enfants la touche elle-mme au plus profond de son existence, aprs tout, une sociŽtŽ humaine ne vit que dans la mesure o elle se survit dans un hŽritage c'est-ˆ-dire pour ses enfants È.

La dŽclaration universelle des Droits de lĠhomme proclame en son article 26 que Ç toute personne a droit ˆ lĠŽducation, elle doit tre gratuite au moins en ce qui concerne lĠenseignement ŽlŽmentaire et fondamental. LĠenseignement technique doit tre gŽnŽralisŽ, lĠaccs aux Žtudes supŽrieures doit tre ouvert en pleine ŽgalitŽ ˆ tous en fonction de leur mŽritŽ. LĠŽducation doit viser le plein Žpanouissement de la personnalitŽ humaine et le renforcement du respect des droits de lĠhomme et des libertŽs fondamentales. Elle doit favoriser la comprŽhension, la tolŽrance et lĠautre entre toute les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le dŽveloppement des activitŽs des nations unies pour le maintien de la paix. È

Je voudrais Žvoquer un point important, celui du droit de la Femme, non pas parce quĠil nĠest pas couvert par les droits de lĠhomme mais parce quĠil sĠagit dĠune situation spŽciale en Afrique.

La Convention sur lĠŽlimination de toutes formes de discrimination a lĠŽgard des femmes du 18 dŽcembre 1979, entrŽe en vigueur le 3 septembre 1981, nĠest pas ratifiŽe par certains de nos Etats africains.

PrŽcisons que la DŽclaration Universelle des droit de lĠhomme affirme le principe de la non discrimination et proclame que tous les tres humains naissent libre et Žgaux en dignitŽ et en droit, et que chacun peut se prŽvaloir des tous les droits et de toutes les libertŽs qui y sont ŽnoncŽs sans distinction aucune, notamment de sexe.

Que lĠEtat parties aux pactes internationaux relatifs aux Droits de lĠhomme ont lĠobligation dĠassurer lĠŽgalitŽ de lĠhomme et de la femme dans lĠexercice de tous les droits Žconomiques, sociaux, culturels, civils et politiques.

Rappelons quĠau moins la moitiŽ de la population mondiale est composŽe de femme. Or, actuellement en Afrique, en dŽpit des dŽclaration de bonnes intentions faite par les responsables politiques, la femme nĠoccupe toujours pas la place qui doit tre la sienne. Nonobstant la dŽcennie consacrŽe aux femmes par les nations unies toutes les stratŽgies dĠaction ŽlaborŽes et adoptŽes en 1985, le progrs attendu nĠest toujours pas trs visible en Afrique.

Le problme premier est lĠinŽgalitŽ dans lĠŽducation : il y a peu prs un milliard dĠanalphabtes dans le monde, les deux tiers sont des femmes. Les deux tiers des enfants des pays sous dŽveloppŽs, qui ne vont pas ˆ lĠŽcole ou qui trs t™t lĠabondement sont des filles.

Il y a aussi les problmes sanitaires. La malnutrition, les mutilations sexuelles faites aux jeunes filles avec tous les risques que cela reprŽsente. Le mariage prŽcoce suivi dans beaucoup de cas dĠaccouchement alors que la jeune fille nĠa pas encore terminŽ son dŽveloppement physique et psychique. Nous connaissons tous hŽlas, le spectacle dŽsolant de jeunes femmes fistuleuses que personne ne veut approcher dans nos h™pitaux ou ailleurs, parce que sentant des odeurs dĠurines.

Il nĠest malheureusement pas encore Žvident que toute la sociŽtŽ traditionnelle africaine accepte lĠidŽe de lĠŽgalitŽ en droits de lĠhomme et de la femme. Il existe une influence certaine de la coutume et de la religion. Paul WATZLAWICK a Žcrit : Ç les plus graves conflits dans les relations humaines sont basŽs sur des interprŽtation diffŽrents de la rŽalitŽ dans laquelle chacun vit È.

JĠavais dit plus haut que lĠAfrique est plurielle dans sa conception, sa vision des choses. CĠest pourquoi les opinions entre individus dĠune mme culture, voire habitant un mme pays ou une mme ville, peuvent diffŽrer dans lĠapplication de diffŽrents droits.

Beaucoup de choses restent encore ˆ faire quant ˆ lĠinformation, la sensibilisation, la formation sur les droits de lĠhomme dĠune importante composante de la sociŽtŽ africaine. On ne peut promouvoir le dŽveloppement de lĠAfrique saus la participation, volontaire, active et entire de la femme. ARAGON a dit que la femme est lĠavenir de lĠhomme.

Je dirai en terme de conclusion que lĠAfrique a besoin de paix pour se dŽvelopper, sĠŽpanouir. Il y a beaucoup trop de conflits fratricides sans cause valable ajoutons a cela le poids de la dette publique : trois cent cinquante milliards de dollars. Pour complŽter le tableau notons la quasi-permanence de phŽnomnes climatiques nŽfastes : inondations, scheresses, famines etcÉ.

Ajoutons ˆ cette situation, le fait que  beaucoup de gouvernements nĠaccordent ˆ lĠenseignement des droits de lĠhomme que trs peu de valeur surtout quand on tient compte de la place quĠoccupe lĠŽducation formelle.

Des Institutions comme le CIFEDHOP, Centre International de Formation a lĠEnseignement des Droits de lĠHomme organe de lĠEcole Instrument de Paix fournissent de gros efforts en organisant des sessions internationales de formation dans le monde, notamment en Afrique. Mais le CIFEDHOP a besoin dĠtre soutenu et encouragŽ par nos pays, tenant compte surtout de lĠimportance des besoins existant.

Le citoyen doit dĠabord conna”tre lĠexistence de ses droits avant dĠen profiter. Il est ds lors  indispensable de lui assurer une formation de base dans ce domaine. LĠŽcole occupe une place de choix dans le processus de formation du citoyen souvenons nous que lĠŽducation utile est celle qui se fixe comme objectif dĠtre un des instruments efficaces de transformation de la sociŽtŽ de telle sorte quĠelle corresponde aux idŽaux et aux aspirations dĠun plus grand nombre de citoyens.

Dans son prŽambule, la dŽclaration universelle des droits de lĠhomme Žnonce avec force Ç la plus haute aspiration de lĠhomme est lĠavnement dĠun monde ou les tres humaines seront libres de parler et de croire, libŽrŽs de la terreur et de la misre È.

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